Deux nouveaux zygotos ont décidé de renouer avec l'ambiance des folles nuits des années 80, celles où Fabrice Eamer nous accueillait avec classe et gentillesse au Club 7, puis au Palace! Celles où Karl Lagerfeld ou Loulou de la Falaise organisaient des fêtes démentes. Celles où on avait des vrais looks et où ceux qui sortaient jusqu'au petit matin n'étaient pas tous des clones tristes. Celles de la grande libération gay, du disco, des Village People, de Diana Ross et autres Prince. Celles où on dansait toute la nuit, sur des rails.
Emmanuel d'Orazio et Marc Zaffuto lancent depuis quelque temps les soirées Club Sandwich. Désormais les plus belles fêtes de Paname. Et sans me vanter, je m'y connais. Quand ils ne sont pas les lundis chez Maxim's où ils reçoivent sous le nom de "Chez lui", ils envahissent l'espace Cardin pour des nuits démentes. On est dans un autre monde, une autre époque, entre Paris et New York. C'est décadent, c'est chaleureux, c'est délirant. On est prié de faire un effort question look. Pas besoin de se faire prier. C'est la folie. Le dress code pour ce soir: "great wiggs". Cheveux, mon neveu.
La queue ( de cheval) avenue Gabriel donne le ton. Perruques blanches, afro, punks… Il y en a de toutes les couleurs. Et il y en a beaucoup. Ils se sont surpassés les fous du look. Ils n'ont pas eu de poil dans la main. Ça promet d'être une réussite.
Je m'attends à un délire capillaire généralisé. J'ai donc opté pour le look Kojak. Crâne rasé, mais agrémenté d'un cerceau emplumé. C'est la fête, que diable! Accompagnée de Pierre-François Carasco qui m'a fait cette tête démente de "cantatrice chauve", je resquille sans états d'âme, en ex-habituée des nuits parisiennes et on s'engouffre illico dans l'Espace Cardin, là où se sont donnés en spectacle les divins Marlene Dietrich, Bob Wilson, Jeanne Moreau….
Tout de suite, on est happés par la musique et les lumières. Des lasers verts, jaunes, violets strient l'espace. Les noctambules se sont surpassés. Nos deux hôtes, Marc et Emmanuel, frères asymétriques black & white aux perruques mi-afro mi-géométriques sublimes nous accueillent. Le DJ est coiffé à la Marie-Antoinette avec un vaisseau argenté qui vogue sur sa perruque blanche pleine de vagues laquées. Cinq "filles", mini robes noires, colliers de perlouzes, petites chaussures noires, lunettes noires et cheveux au carré noir m'entourent. Celui des cinq "filles" qui a le plus de perlouzes et le col en vison m'explique le concept. C'est un groupe de Anna Wintour. Elles sont tordantes. Allumées, elles dansent ensemble, en prenant la pose, genre défilé de mode pété sur un podium.
Tout le monde est là. Cruella, d'enfer, Joséphine Baker avec sa ceinture de bananes, Blanca Li, François Bellet, Suzy Wiss merveilleux lutin pétillant de 70 ans que je croisais déjà au Club 7, puis au Palace….
Même Karl Lagerfeld est là. Enfin… son avatar.
Il y a aussi Pierre Cardin. Le vrai. Incroyable de l'apercevoir à une table regardant cette foule hallucinée/hallucinante. Impressionnant de voir cet homme qui en a tant vu, tant fait, dont le slogan pour sa collection homme était: "Des vestes avec lesquelles on peut dévisser un boulon de voiture, mais aussi aller au Windsor" regarder passer cette foule invraisemblable. Quelle curiosité infatigable le tient encore debout à deux heures du matin au milieu de cette foule extravagante?
Difficile de raconter une soirée. Comme au cinéma, c'est toujours parmi les scènes les plus difficiles à filmer. C'est souvent plat. Ça sent tout de suite le figurant qui se dandine dans une pièce sans musique pour que le preneur de son choppe bien les dialogues des rôles principaux. Pas facile de décrire une ambiance, des sensations. C'est que ça a souvent un côté irréel, ces fêtes. Une fois qu'on a raconté qu'on a bu et dansé, que dire? La folie des looks, la beauté des garçons, la musique?
La musique. Des reprises dèlirantes jouées par Loïc. Une reprise disco de "night & day", géniale. Je vous recommande John Davis and the Monster orchestra! Puis l'incroyable Jodie Harsh passe aux platines et fait péter la techno. Ça pulse grave.
De plus en plus de monde. Des perruques afro, en veux tu en voilà. De plus en plus grandes, inouïes. Des trouvailles, des créations.. La guitare électrique en cheveux, sur une longue chevelure noire de jais très rock. Du rouge, du bleu, du vert, du jaune, du très long, jusqu'aux pieds, du minimaliste, petite crotte de cheveux sur un crâne chauve, des chignons crêpés … On passe de Hair Spray à Fellini, du Palace au Studio 54….
Des "créatures", des garçons à la beauté provocante. Et puis des gens "normaux", pas lookés, ou alors qui se sont collés une pauvre momoutte merdique sur la tête. Tout est amusant. Tout "marche". Tout ça se mélange joyeusement. Un homme chauve et barbu passe, blouson de cuir, cuissardes sur collant lamé doré. Flash d'un Pierre Molinier moderne….
Et puis les flashs des photos. Tout le monde se photographie. Normal. Aujourd'hui tout le monde est photographe. En connaisseur, on interpelle celui qui passe avec sa coiffure en ballons, ou sa perruque en cartes à jouer pour le/se photographier. L'époque est narcissique. CQFD.
Ce sont les bars men qui débandent le moins. Comme toujours, des grappes de gens collés, attendent leur dose.
Ça commence à se lâcher. On passe du mèche à mèche au bouche à bouche. La fièvre monte.
L'heure de rentrer.
En repartant, un peu titubants, on passe devant les flics qui font le trottoir en veillant sur l'Elysée. Ce soir, c'est spectacle gratis! En un soir, ça compense un peu les nuits à battre le pavé en se les pelant et en s'emmerdant.
On croise un dernier invité crâne passé au cirage noir avec moustache peinte ad hoc, le merveilleux Ali Mahdavi, telle une poupée des années 30…. Sur la Place de la Concorde on a démonté la Grande Roue. Ne reste plus que le compas géant qui la soutenait, dernière vision d'art moderne de la nuit.
Fin de la séquence. Clap de fin.
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