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lundi 18 janvier 2010

Gainsbourg et les poulets


C'est curieux les tours que joue la postérité. De leur vivant, Gainsbourg, comme Coluche et Desproges étaient tout sauf consensuels. Subversifs, iconoclastes, décapants, provocateurs, gonflés, destroys, trashs, border line. Voire vulgaires. Coluche aurait dit, en levant son index "grossier, jamais vulgaire". Pourtant, ses blagues sur les femmes, les arabes, les pédés et les juifs n'étaient pas toujours du meilleur goût. Gainsbourg, version Gainsbarre pouvait être sacrément mufle (cf les épisodes avec Catherine Ringer et Whitney Huston). Et Desproges n'avait peur de rien. Ni des juifs ni de la mort. Aujourd'hui, il est probable qu'ils seraient plus souvent en procès qu'en promo. "La mort nous rend bien littéraires" écrivait Jules Renard. Elle nous rend aussi bien inoffensifs. Mais c'est la mort qui t'a assassiné, Marcia" chantait Catherine Ringer. D'artistes controversés qui choquent le populo, la camarde fait des icônes consensuelles. Elle gomme, elle lisse les aspérités. La mort m'a tuer! C'est la mort, mais aussi l'humanité qui a cette capacité extraordinaire à digérer, absorber et finalement récupérer tout. Les auteurs ou artistes qui continuent à être subversifs après leur mort se comptent sur les doigts de la main de Django Reinhard pour paraphraser Gainsbourg. Sade. Pasolini. Qui d'autre?

Aujourd'hui, qui oserait dire qu'il n'aime pas ces trois immenses artistes. Personne. Aux oubliettes les excès. A la trappe les dérapages. Enterrées les provocations. Des saints. A côté, Les petits chanteurs à la croix de bois, c'est les Rolling Stones! On sait que Gainsbourg, génie du paradoxe et amoureux de la transgression, collectionnait les médailles et les décorations avant de reprendre avec génie "la Marseillaise" version reggae. On sait que l'homme à la tête de chou hélait les "paniers à salade" comme d'autres hèlent un taxi. On sait qu'il était pote avec les flics du quartier. Le VIème arrondissement.

Il y a quelques années, un souci personnel m'a conduit au commissariat du VIème arrondissement, place Saint-Sulpice. J'étais dans une situation assez angoissante et cherchais à ce que la police m'aide, voire me protège. Les flics, c'est des gens qui regardent la télé et écoutent la radio comme les autres. Donc, comme tout le monde, ils m'ont reconnue et m'ont instantanément chanté "c'est la ouate". OK. Pas de problème. J'ai l'habitude. C'est un karma. Instantané, comme auraient dit John Lennon et Yoko Ono.

Là où c'est devenu surréaliste, c'est quand, au lieu de prendre ma déposition, ils m'ont prise par la menotte pour me faire visiter le commissariat afin de me montrer la belle photo avec leur copain, feu Serge G.

C'est le syndrome "chauffeur de taxi". Quand on a une tête connue, il n'est pas rare que le chauffeur de taxi se lance dans l'énumération des autres vedettes qu'il a eu l'insigne honneur de véhiculer. Et tout ça, sans anecdote particulière liée à la célébrité ainsi transbahutée. C'est leur nom, aux gens connus qu'ils aiment bien dire, les chauffeurs de taxi. "Incroyable que je tombe sur vous! Figurez vous que pas plus tard que la semaine dernière j'ai eu Edouard Baer!" Ahhhhhhhh! C'est intéressant. "Et il y a deux mois, Jean d' Ormesson!" Pas possible? "Et aujourd'hui vous! C'est dingue, non?" Oui. C'est dingue. Il n'y a pas d'autre mot.

Eh bien les flics, ça leur a fait pareil quand ils m'ont vu débouler au commissariat avec mon problème. Une chanteuse de variété! Chouette! Ça leur rappelait le bon vieux temps avec leur copain nu-pieds dans ses Repettos.

"Vous savez que Serge Gainsbourg venait souvent boire des coups?" Ahhhhhhhh! "Qu'est ce qu'il était gentil" Oui. je sais.

"Vous l'avez rencontré?" Un peu….

Elle était trop contente, la maison poulaga de parler avec une autre vedette de la chanson et de me faire partager tous ces chouettes souvenirs avec leur poteau Gainsbourg. Moi aussi je l'aimais l'auteur de "la javanaise" et les occasions pour dire à quel point il a compté dans ma vie d'artiste et m'a inspiré comme auteur de chansons sont toujours bonnes à prendre. Mais je n'étais pas là pour faire de la promo. J'étais là parce que j'étais en danger. Ça ne les a pas intéressés, les keufs! Mais alors, pas du tout!

Ils m'ont fait visiter leur beau commissariat du VIème. Ils m'ont montré le grand tirage photo encadré qui trônait au dessus de l'escalier. Celui de la brigade qui posait avec Serge G avec un gros animal en peluche, genre fête foraine. Aux anges, qu'ils étaient, les condés. Sur un petit nuage, la flicaille. Juste à côté du fumeur de gitanes.

Une fois qu'ils m'avaient fait faire le tour du propriétaire et de leurs histoires sur Gainsbourg "you're under arrest, cause you're the best", ils ont fini par me renvoyer avec mon problème qui ne les intéressait pas, mais alors pas du tout dans un autre commissariat. Dans mon dos, ils se sont remis à chanter "c'est la ouate". Un karma, j'vous dis!

Heureusement, leurs collègues, ils étaient moins branché "tubes". Ça m'a fait des vacances.


"Les manuscrits de Gainsbourg" édités par Laurent Balandras chez Textuelle


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