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http://www.mistinguettmadonnaetmoi.com/ et "CRIME PARFAIT",l'album en magasin!!

jeudi 25 février 2010

DEXTER? MORTEL!


A force de voir sur les murs de Paris le sourire franc et la chemise blanche tachée de sang de Dexter, LA nouvelle série américaine autour d'un serial killer, mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai eu envie de me pencher sur cette question des serial killers dans les fictions américaines. Depuis "Le silence des agneaux" ça me pose un problème. Que ce genre de pathologie extrême soit à ce point "glamourisée", et devienne un sujet de fiction aussi récurrent, ça me chiffonne. Que le voyeurisme complaisant, voire jouissif des crimes les plus atroces soit normalisé, ça me crispe.


Je vais donc à mon Vidéo Futur local, me loue le "Dexter" saison 1, et roulez jeunesse! Je m'apprête à trouver ça pénible et racoleur. Je taille mes crayons, affute mes arguments, prête à étriper le serial killer et ses scénaristes. Choc. Coup de foudre. C'est tout le contraire.

D'abord, c'est, comme souvent avec les séries américaines, incroyablement bien écrit, joué, filmé, pensé. Un petit bijou.

Mais surtout, si effectivement ça tourne autour d'un personnage qui en est un, de serial killer, ça parle carrément d'autre chose.


Dexter, ça parle de faux semblants, de codes sociaux, des démons intérieurs qui sont en chacun de nous. A travers ce personnage extrême et totalement givré, la série nous tend un miroir sur la "normalité". Et ce qu'elle cache.

A quoi servent les codes sociaux, si ce n'est à masquer des pulsions? Des pulsions sexuelles, évidemment. Mais aussi des pulsions de mort. Le personnage principal passe à l'acte quand il est confronté à des gens "méchants". Ses meurtres sont donc cautionnés par une idée de bien et de mal et il fait la justice que la société ne fait pas. OK. Mais surtout, ce monologue intérieur (écrit au scalpel) nous parle de la difficulté de se fondre dans les conventions. De l'angoisse de se sentir vide, désaffecté par les émotions.

Paradoxe passionnant, c'est ceux qui ont le plus conscience de leurs failles, de leurs manques qui au bout du compte sont le plus proches de véritables émotions. Se poser la question, en avoir conscience, n'est ce pas un pas vers la conscience, donc la sincérité?


Si Dexter découpe effectivement les gens en petit morceaux, c'est surtout les codes bien pensants et le mortel politicaly correct qui sont attaqués au hachoir et à la scie électrique par ses brillants scénaristes .

Joué avec beaucoup de subtilité par Michael C Hall et Jennifer Carpenter, Dexter nous fait ressentir de l'intérieur à quel point les notions de bien et de mal cohabitent. Et comment chez ce charmant Dexter, amant idéal, collègue délicieux, frère plein d'humour, beau père généreux et attentif, cohabite un justicier froid, calculateur et sanguinaire. On vit de l'intérieur ce duel, ce bras de fer existentiel entre la vie et la mort.


Dexter, c'est mortel!

Voilà pourquoi chers amis, je ne pouvais plus donner de nouvelles! Happée par la série killeuse, accrochée que j'étais à ce nouvel ami fascinant.

En attendant les DVDs des saisons 3 et 4, je revis donc, le temps de vous écrire..

lundi 15 février 2010

PORNO CHIC?




Le porno chic. Le fin du fin. Ça a du commencer chez Ardisson ou sur Canal +. Et puis subrepticement, ça a gagné du terrain. L'idée que la pornographie était un moyen d'expression comme un autre. Attention, pas les dessins pornos d'Einsenstein, ou "L'origine du monde " de Courbet, ou les dessins érotiques de Picasso ou d'André Masson. Cette pornographie, elle existe depuis la nuit des temps, et dans les premiers films des femmes à poil faisaient des cochonneries plus ou moins osées avec des messieurs souvent habillés. Le porno chic, justement c'est ces films crades, à l'image moche, avec des hardeurs débiles qui baisent dans une surenchère de violence et de transgressions. Je vous épargne les détails.


Il y a quelques jours j'ai été voir un one man show, et dans le dossier de presse j'y ai lu cette revendication: porno chic, qu'il est le gars. Porno chic, c'est comme "cette obscure clarté qui tombe des étoiles". En rhétorique, ça s'appelle un oxymoron. Une figure de style qui réunit deux mots en apparence contradictoires. Vous avez déjà vu des images pornos, vous? Forcément. Il y a toujours un moment où on tombe sur ces trucs là. Et vous avez trouvé ça chic, vous? Sans m'vanter, le chic, j'ai une idée assez précise de ce que c'est, et je peux vous dire qu'il n'y a pas moins chic que ces images de hardeurs qui liment des filles aux seins en silicone qui ont l'air de tout sauf d'éprouver du désir et/ou du plaisir. Le porno, c'est vulgaire, c'est laid et c'est avilissant. C'est d'ailleurs pour ça que l'année dernière, à l'initiative de Sophie Bramly et de son site Second Sex j'avais réalisé "Vous désirez?" le premier d'une série de films de cul réalisés par des femmes, pour des femmes. Afin de proposer une autre image que celle des "chiennasses" et autres "chaudasses" qui sont données en pâture à la clientèle du X. Parce que le cul , ça peut être beau, figurez vous.


Que le cinéma porno, comme beaucoup de choses, soit devenu un business contrôlé par des maffieux sans scrupules, c'est une chose. Que les pauvres acteurs (si on peut faire l'injure aux comédiens d'utiliser le même mot) soient devenus des invités "people" comme un écrivain ou un cinéaste me choque. On parle d'une "star du porno" comme on parlerait d'Angelina Jolie ou de George Clooney. Pour le coup c'est obscène. Certains médias cautionnent donc cette industrie hautement dégradante pour les femmes. Mais s'il vous plaît, où est le chic là dedans?

Et qu'on ne vienne pas me traiter de puritaine! Je pense avoir largement prouvé que ça n'était pas mon genre.


Résultat des courses, le sus cité "comique" qui se revendique donc de ce chic absolu, propose un spectacle dans lequel, comme par hasard, il insulte les femmes pendant une heure et quart.

J'avoue, la misogynie, très franchement, ça peut me faire rire. Quand c'est Guitry ou Bedos, ça peut friser le génial. Et puis, chez eux, il y a d'abord une grande misanthropie, ainsi qu'un regard cinglant sur le monde. OK. J'achète. Mais que ça soit le fond de commerce et le sujet de raillerie central d'un spectacle, non. S'il suffisait d'être méchant pour être drôle, ça se saurait. S'il suffisait d'être réac' pour être insolent aussi.

Le pire, c'est que du coup, à force d'associer ces deux mots qui, dois-je le rappeler, ne vont de toute évidence pas ensemble, inconsciemment, l'idée que le porno, finalement c'est trop la classe a fait son chemin. Et que les femmes sont toutes de salopes qui veulent se faire prendre par tous les bouts aussi. La grande classe. Plus chic, tu meurs!

Le porno c'est chic et le féminisme c'est ringard?! Cherchez l'erreur!

samedi 13 février 2010

la croisière ne s'amuse pas



Florence Aubenas est extraordinaire. Non seulement elle nous a éblouis par sa lumière, son sourire lorsqu'elle a été libérée le 12 juin 2005. Mais en plus, elle continue à se passionner pour les autres avec une belle âme, bien loin du cynisme parisien. Son nouveau livre "Le quai de Ouistreham" est splendide. D'abord, la plume. Ça n'est pas un livre de journaliste. C'est un livre d'écrivain. Le style est précis, sobre, ciselé, avec des images qui percutent, justes et émouvantes.


Puis le sujet. Fort. Très fort. Florence Aubenas dans la peau d'une femme qui cherche du boulot à Caen, nous décrit la misère. Celle de la précarité, des passages obligés au Pôle Emploi où on vous balance à la gueule qu'il y a rien. Celle des stages bidons qui sont là pour faire baisser les chiffres du chômage. Celle de ces femmes prêtes à tout pour travailler. Il n'y a jamais de condescendance. Jamais de complaisance. Jamais de nombrilisme. Jamais de poésie à deux balles. Elle est tout à la fois lucide et tendre pour ces vies sur lesquelles règne la cruauté du monde du travail. Elle décrit avec minutie l'enfer sur terre.


Parfois une phrase suffit, et un monde surgit. "Heureusement, mon mari est parti". On devine le cauchemar quotidien, l'homme qui boit, ou qui cogne, ou qui fait des reproches, ou qui ne fait rien. Rien d'autre que rester prostré devant la télé.

Elle nous embarque dans ces journées, ces nuits sans espoir, sans sommeil, où il faut trimer dur et la boucler. On dit femme de ménage. Pourtant il y a des hommes. Peu. Et c'est pas eux qui vont récurer les chiottes sur le Ferry! Les "sanis", les sanitaires quoi, c'est un travail de gonzesse. Où ça va se nicher la petite misogynie quotidienne! A bord, quand les anglais ont débarqué, la croisière, elle ne s'amuse pas du tout!


Quand on oublie pourquoi il faut continuer à défendre les droits des femmes ici et maintenant, la réalité est là pour nous le rappeler. Il parait que Florence Aubenas n'est pas féministe. M'est avis qu'elle est comme monsieur Jourdain. Féministe sans le savoir. Son livre porte un beau regard sur ces esclaves des temps modernes. Celles qui font "des heures", faute de trouver du travail. Celles qui disent, quand on leur alloue une prime de 200€ "Ça fera un genre de parachute doré!" Humour noir. Glaçant.

Celles qui lâchent: "C'est trop tard. J'ai vingt ans déjà" L'horizon bouché à vingt ans? Oui.

Celles qui avouent "On est bien obligés d'avoir la télé chez soi. Sinon qu'est ce qu'on ferait quand on a des invités?"


La télé. Parlons en. L'obscénité des images qu'on nous balance à la télé me saute soudain à la gueule. Comment peut-on supporter ces images lisses et formatées quand on vit dans une telle misère?

Comment peut on supporter les artistes et leurs affres de la création narcissiques et complaisants qui se répandent?

Comment peut-on supporter ces pubs où l'on voit ces familles idéales qui n'existent pas?

Quel effet ça fait de voir des gens gagner des fortunes à des jeux débiles quand on a mal partout? Ça fait tenir? Ça permet de se dire que peut être soi aussi, un jour on passera dans le poste et on gagnera le cocotier ou le séjour sous les palmiers?

Quel effet ça fait de voir des intellos se chamailler sur des sujets abscons? Ça doit leur tomber des neurones. Savent même pas de quoi il s'agit.

Quel effet ça fait de voir toutes ces émissions dont le personnage principal est l'argent, des fortunes des milliardaires/ escrocs russes aux palaces clinquants des stars hollywoodiennes, quand on doit tenir sur 8€ à deux pour une semaine?

De toutes façons, ils ne se donnent même pas la peine de changer de chaîne, les pauvres. Kéblos sur la une, qu'ils sont. Ils cherchent pas. Ils ont trouvé. Ils sont arrivés. Et une chose est sure, ils n'iront pas plus loin.


La couverture de Télérama de cette semaine proclame: "Halte à la France moche!" Tout à coup, l'obscénité du titre. Moche?! Oui, c'est moche d'être sans boulot. Oui, c'est moche de se faire maltraiter par des employeurs cyniques et condescendants. Oui, c'est moche de se plier au cirque du Pôle Emploi alors que tout le monde sait très bien qu'il n'y a pas de travail. Oui, c'est moche de ne pas dormir et d'avoir faim. Pas top glamour d'aller récurer des chiottes à quatre pattes à six heures du matin. La beauté, c'est pas leur problème, aux pauvres. L'environnement non plus. Je les vois les prolos qui se goinfrent de sacs en plastique au Franprix, "pour ne pas manquer". Va donc leur expliquer qu'il faut faire gaffe au réchauffement de la planète alors qu'ils crèvent la dalle et de froid! L'écologie, c'est un gadget pour les riches. Y'a qu'à voir le prix des produits bio.


"Je suis devenue invisible" écrit Aubenas. Une femme de ménage EST invisible. Que c'est violent! Quelle claque à nous tous.

Dans "Le quai de Ouistreham" les chiffres de ces chômeurs/meuses s'incarnent. Ils ne sont pas que des numéros, ils ont une vie.

Dans les mots de Florence Aubenas la douleur quotidienne devient palpable. Et les femmes qu'elle décrit, Victoria, Marylou accrochées à ce qui leur reste d'humanité sont bouleversantes.

Aubenas vient de réussir un livre magnifique sur la France niée et ignorée. Celle où les femmes sont invisibles.


lundi 8 février 2010

GUILLAUME GALLIENNE



Guillaume Galliene, je l'avais vu comme tout le monde à la télé, dans ses sketches sur Canal + où il croque avec talent des personnages grotesques et prétentieux du show biz. Au cinéma, toujours juste, toujours habité. Toujours cette présence particulière. Je viens de le voir au théâtre de l'Athénée dans "Les garçons et Guillaume à table!". Il y est extraordinaire. Il nous embarque dans son enfance, ses rapports avec sa mère, son père (curieusement, les frères sont absents), ses séjours linguistiques, la visite médicale qui lui a permis d'être réformé du service militaire, ses tentatives de passage à l'acte homosexuel et finalement son "coming out" hétéro. J'en passe et des meilleures. On voit bien à quel point tout ça puise dans sa vie, dans son intimité la plus secrète. Avec une intelligence et un talent qui font tout passer. Guillaume Gallienne est de bout en bout fascinant de drôlerie, de sincérité. Avec ce spectacle il démontre brillamment, non seulement son talent inouï d'acteur, qui fait exister un personnage en une phrase, mais aussi à quel point une vie d'artiste peut se cristalliser autour d'une petite phrase douloureuse. Les fameuses phrases assassines qui résonnent en nous parfois longtemps, parfois à vie, et qui peuvent nous faire basculer.

Comme l'huitre fabrique sa perle autour du grain de sable intrus, l'artiste tricote autour de ses failles, de ses souffrances, de ses doutes et élabore son art autour de là où ça fait mal.

Une phrase, comme un grain de sable qui, en enrayant la machine, l'oblige à fabriquer autre chose. En l'occurrence de l'art, de la fiction qui permet de prendre une distance avec le réel qui fait souffrir. Comment une phrase peut résumer un rapport au monde. Comment une phrase peut cristalliser un rapport mère/enfant. Comment une phrase peut faire douter un enfant de son identité, l'obligeant à s'en inventer d'autres.


"Être une artiste signifie guérir continuellement ses propres blessures, et en même temps les exposer sans cesse." dit brillamment la grande Annette Messager.


Il y a quelques années, je me suis passionnée pour le cas de Billy Milligan auquel Actuel avait consacré un grand article. L'homme, atteint d'une schizophrénie à personnalité multiple, "devenait" tour à tour, une fillette, un prolo écossais, un dandy anglais etc…. en changeant de voix, d'attitude corporelle. Ces symptômes impressionnants avaient été, parait-il, déclenchés par des viols répétés lors de son enfance par son père. Les "personnages" étaient donc là pour lui permettre de supporter le réel. C'était il y a trente ans. Aujourd'hui, il semblerait que ces fameux cas de "personnalités multiples" soient très controversés, et on parle de manipulation de certains psychiatres américains.


Quoi qu'il en soit, ce qui m'a fasciné c'est cette idée qu'une personne, pour éloigner une réalité violente portant atteinte à sa dignité, puisse avoir recours à des alter ego. J'y ai tout de suite reconnu la pathologie du comédien qui, comme le décrit très bien Diderot dans son "Paradoxe du comédien" n'est jamais si bien lui même que lorsqu'il est dans la peau d'un autre.


Tout le spectacle de Guillaume Gallienne est construit autour de cette phrase "Les garçons et Guillaume à table!". Comment son identité sexuelle s'en est trouvée ébranlée. Comment le regard de sa mère, qui ne l'identifie pas comme un des garçons, déteint sur lui. Comment sa personnalité et son génie d'acteur se fabriquent autour de cet aveu limpide et inconscient de sa mère.


Ceux qui ne connaissent pas, ou ont peur de la psychanalyse pensent toujours qu'une thérapie va leur enlever de la créativité. C'est, évidemment, exactement l'inverse. En permettant de mettre à nu les souffrances, de les regarder en face, et éventuellement, de les apprivoiser, la psychanalyse permet d'en faire quelque chose.

Créer une oeuvre d'art ne se substitue pas à une analyse, comme le croient certains artistes naïfs. C'est transformer une souffrance en objet artistique. Ce qui est déjà énorme. Mais je suis convaincue que, s'il n'est évidemment pas nécessaire de tâter du divan pour être un grand artiste, sa pratique permet d'aller plus loin, d'être plus juste, plus proche de ses mots.


Guillaume Gallienne a tout compris. Comment les "défauts" les plus douloureux deviennent, à force de travail et d'intelligence, les qualités premières d'un artiste. Sous l'oeil, de toute évidence, précis et exigeant de Claude Mathieu. On attend avec impatience son prochain spectacle. Et on retourne voir ce bijou!

En ce moment au théâtre de l'Athénée

vendredi 5 février 2010

VANITÉS, TOUT EST VANITÉ


Des crânes. Partout. En peinture, en sculpture, en couleur, en noir & blanc, en gants de laine, à l'endroit, à l'envers, en plexiglass, en mortadelle, en pastèque, en ivoire, en bois, en néon. Réalistes, surréalistes, hyper réalistes, abstraits, drôles, tragiques, inquiétants, précieux, dégoutants, iconoclastes, pudiques, élégants, vulgaires, philosophiques, tape à l'oeil, profonds, inutiles, anecdotiques, esthétiques, grotesques, repoussants, avec des oreilles de Mickey. Des squelettes, des cannes, des boîtes, des pendentifs, des colliers, un photophore, des vidéos, des masques, des anamorphoses, de Pompei à Damian Hirst, de Zurbaran à Braque, d'Annette Messager à Picasso, de Clovis Trouille à Hélion, de Caravage à Baselitz, de Pierre et Gilles à Warhol, de Robert Mapplethorpe à Jean Pierre Raynaud, de Cyndi Sherman à Boltanski. C'est quasiment 2000 ans d'art qui sont concentrés au merveilleux musée Maillol pour l'exposition "C'est la vie!", autour du thème des vanités. Memento mori. "Souviens toi que tu vas mourir" soufflait l'esclave au vainqueur romain. Tout n'est que vanité. "Et après Dubaï, nous irons sans doute à Gstaad" souffle une vieille dame bronzée en vison à une autre vieille dame bronzée en vison. On est bien loin de la réflexion philosophique que ces oeuvres sont censées susciter. Le côté mise en abime de la brieveté de l'existence terrestre leur passe complètement au dessus du brushing, alors qu'elles regardent distraitement ce qui ressemble fort à leur futur proche: des crânes.


Cet après midi, c'est vernissage. Du beau linge se presse pour avoir la primeur de cet accrochage magnifique. Flanquée de mon chevalier servant Axel Brücker, je dévore des yeux pendant qu'il me fait des commentaires malins et rigolos. On croise Maurice Tinchant, Dominique Fury, Irié et Laurent Laclos… Le tout Paris se presse à cette exposition exceptionnelle que l'on doit à Patrizia Nitti, Olivier et Bertrand Lorquin, Elisabeth Quin et Loïc Malle dans une scénographie parfaite de l'agence Klapisch-Claisse.

La représentation de la mort terrifie et fascine depuis la nuit des temps. Elle est depuis la plus Haute Antiquité un passage obligé dans la représentation de la vie. Dans les années 50, la tête de mort commence à devenir un motif galvaudé. A l'époque elle orne les motos des bikers et autres "Hell's Angels", puis est au coeur du mouvement punk "No future", déclinée en tatouages ad libitum. On la trouve désormais sur: en vrac, des T shirts, des foulards, des chapeaux, des chaussettes, des jeans, des babygros, des capotes qui ne donnent ni la vie ni la mort, des nounours. Des glaçons (garçon, l'addition!), des biscuits, des bonbons, des nouilles noires colorées à l'encre de seiche en forme de tête de mort, des bougies, des mugs, des serviettes etc, etc…. "C'est la vie!" La mort, c'est la vie, comme aurait pu le dire Rrose Selavy, aka Marcel Duchamp. Eros et Thanatos. On n'y échappe pas. Ni à l'un, ni à l'autre. Fuck la mort!

Une vitrine ouverte dans le mur de pierre et l'on est en face des nus pleins et costauds de Maillol, à l'état d'ébauche, en plâtre, sur des socles. Là, c'est plus Eros que Thanatos. La chair n'est pas triste et je repense à tous ces livres qu'il me reste à lire….

Mais la camarde me fauche à cette vision de vie sensuelle. C'est reparti pour la ronde macabre. L'expo est d'une richesse incroyable. La diversité et la qualité des oeuvres est stupéfiante.

"La mort nous rend bien littéraires" écrivait avec son humour grinçant Jules Renard, stigmatisant la vaine prétention de ceux qui veulent laisser une trace dérisoire de leur passage sur terre. Et pourtant… C'est bien la mort qui nous inspire nos plus belles oeuvres. Ou du moins la conscience qu'on en a. C'est cette fin impensable qui nous pousse à créer comme l'analyse finement Maurice Blanchot dans "L'espace littéraire".


Si les vanités de Pompeï ou du XVII ème siècle étaient là pour mettre le mortel en face de son destin, et le faire réfléchir, dorénavant la tête de mort est devenue un support de spéculation comme une autre et Damian Hirst le démontre brillamment (c'est le cas de le dire!) avec sa tête de mort recouverte de milliers de diamants.

Aujourd'hui la perte de sens et notre fuite en avant vers la fin de l'humanité dont on nous donne des (mauvaises) nouvelles tous les jours, ont fini par vider de son signifiant jusqu'aux têtes de mort, devenues un hochet de plus de la mode éphémère et narcissique et "No future" n'est plus un slogan balancé par des ados désespérés mais l'affirmation de notre horizon un peu plus bouché chaque jour. "C'est comment qu'on freine?"


Cette angoisse de la mort, cette idée de la fin impossible à appréhender, cette question par définition sans réponse "Pourquoi vivre, puisqu'on va mourir?" aura été au coeur de l'élaboration de toutes les religions, de toutes les philosophies, et des créations artistiques les plus diverses depuis la nuit des temps. Et cette exposition en est la démonstration brillante et jubilatoire.

"Viva la muerte!" lance Brücker, avec l'énergie du torero narguant la mort qui fait tourner sa cape flamboyante devant le toreau avec panache.

La question n'est plus "être ou ne pas être", mais bien "y aller ou ne pas y aller". Au Musée Maillol.

Y aller. Les yeux fermés. Puis les ouvrir. Et en prendre pour son grade. Mortel!




lundi 1 février 2010



LA BLAXPLOITATION

Dans Paname, des affiches nous interpellent pour un nouveau film. Sur celles ci des acteurs noirs évoquent irrésistiblement le cinéma de la "blaxploitation". C'est quoi, la blaxploitation? C'est une vague de films américains des années 70, joués par et pour la nouvelle bourgeoisie noire américaine, qui elle aussi aspirait à son "afro american way of life". Comme on sait, Quentin Tarentino en a fait une de ses sources d'inspiration majeure et il ne cesse de piocher dans ses images. Il a d'ailleurs fait faire un come back émouvant à Pam Grier, une des icônes des films de cette époque dans Jackie Brown il y a quelques années.

Si on connait certains de ces films: "Shaft" (avec la bande son sublime de Isaac Hayes), "The Wiz" (le fameux remake du Magicien d'Oz avec Diana Ross et Michael Jackson), "Lady sings the blues", "Cotton comes to Harlem" ou "Watermelon man", personnellement, ce sont ceux dont je ne connais que les titres qui me font le plus rêver: "Blacula" (où l'on voit un grand noir aux dents acérées dans sa cape noir), "Disco Gadfather", "Blackenstein", "Cleopatra Jones" (le titre étant sans doute une référence au magnifique Carmen Jones précurseur d'Otto Preminger (1954), version entièrement noire, étonnante, de Carmen de Bizet avec Dorothy Dandridge et Harry Belafonte, deux sex symbols au fait de leur séduction). Mais il y a aussi "Black Cesar", "Black Lolita"… Une mine, j'vous dis!

La plupart du temps ce ne sont qu'histoires de flics, de voyous, de dealers, de maquereaux, les célèbres "pimps" et "pushers", agrémentés de filles roulées comme des Cadillacs, à l'époque où les Cadillac ressemblaient encore à quelque chose! Ce miroir tendu à la communauté afro américaine est plein de clichés.

Ces films révèlent une tripotée d'acteurs super doués comme Ron O'Neal, Antonio Fargas (le désopilant "Huggy les bons tuyaux" de "Starsky et Hutch .black ceasr.jpg


Mais cet âge d'or n'a qu'un temps. Après quelques années de surproduction,avec quelques pépites à la clef, la mine d'or s'épuise et les Studios décident brutalement d'arrêter la production de ces films. Les acteurs, qui étaient devenus des vraies vedettes, se retrouvent subitement au chômage, dans la misère, ressemblant du jour au lendemain malgré eux aux paumés qu'ils incarnaient peu de temps avant dans ces fictions kitsches.

Désèspérés, largués, ils sombrent qui dans l'alcool, qui dans la drogue et rares sont ceux qui survivront à ce brusque revirement de politique des Studios tout puissants.

Cette période unique est une prise de conscience pour les afro américains. les "Blacks panthers" militent activement et les "Last poets" les grand pères des rappeurs d'aujourd'hui scandent leurs chansons ultra militantes "Niggers are scared of révolution"

Depuis quelques années Sipke Lee reprend avec panache le flambeau d'un cinéma noir américain. "I'm black and I'm proud", et l'esthétique clinquante de ce cinéma a influencé des artistes de rap comme Snop Dog.

Marco Prince, (chanteur et fondateur DU groupe de punk français, les formidables, flamboyants et fantastiques FFF) m'apprenait il y a quelques semaines que Melvin Van Peebles, celui dont le célèbre "Sweet Sweetback's Baadassss Song" a été au départ de la Blaxploitation était parisien depuis quelques années. Décidémment, la France aura toujours été, et continue à être un pays d'accueil pour une certaine élite noire américaine; les Nicholas Brothers, Miles Davis, entre autres. Très lentement, les noirs français deviennent eux aussi plus visibles. Encore à doses homéopathiques, certes. Mais c'est comme pour la parité. On demande 50/50, et on nous propose 45/65! Je ne suis pas forte en calcul, et je l'ai prouvé, mais de toute évidence, y'a un blême! Oui, la prédominance de l'homme blanc sur nos sociétés occidentales a encore de beaux jours devant lui!