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http://www.mistinguettmadonnaetmoi.com/ et "CRIME PARFAIT",l'album en magasin!!

lundi 29 mars 2010

ETRE OU PARAITRE





Il y a quelques jours, j'ai eu la chance de retourner voir Jean Quentin Chatelain à la dernière de "Ode maritime" texte de Pessoa mise en scène par Claude Régy.

Je l'avais découvert il y a quelques années dans "Kadish pour un enfant qui ne naîtra pas" d'Imre Kertesz mis en scène par Joël Jouanneau, puis dans "Mars" de Fritz Zorn, un de mes livres préférés. Ça avait été un choc! Un électrochoc même.


Voir Jean Quentin Châtelain sur scène est toujours une expérience hallucinante. Peu, voire pas connu du tout du grand public, voilà un acteur absolument fascinant. Aujourd'hui que n'importe quel illettré peut, grâce à la "magie" de la télé devenir un people, autant dire une image creuse, une enveloppe vide de sens, ça fait du bien de voir un acteur qui est dans l'essence même de son travail.

Avec J Q Châtelain, c'est chaque mot , chaque virgule, chaque silence qui est donné à entendre dans toute son épaisseur, sa profondeur.

Le premier mot du spectacle est "seul". Et ce mot est dit avec une telle force, une telle présence qu'on l'entend comme une phrase, comme une page. SEUL. Le désespoir, l'horreur, l'angoisse existentielle, tout est perceptible quand Chatelain prononce ce "seul".

Puis, pendant près de deux heures, avant scène, sur un ponton au bord du gouffre de la salle, les mains ouvertes comme on s'offre en sacrifice, il déroule avec sa voix unique, sa diction au scalpel, ce texte lyrique et fou.

Habité. Voilà ce qu'il est. Investi. Il n'essaye pas de paraître. Il EST.

C'est énorme. C'est exceptionnel. Un acteur qui s'offre à ce point. Qui fait don de son être au théâtre, aux mots des grands auteurs.


Et ça renvoie aux agitations pathétiques et stériles de ces gens qui passent à la télé et qui n'ont rien d'autre à vendre et à défendre que leur pauvre égo. Tout à l'égo!

L'égo, ça peut être génial. Personnellement, je suis toujours fascinée par les artistes qui font de leur vie une oeuvre d'art. Qui se réinventent. Qui se mettent en scène. Mais encore faut il avoir une vision, des références, une personnalité particulière.

La télé donne une image tronquée et fausse des gens. Le problème c'est qu'elle est considérée comme LA référence ultime. Le diapason de la vie sociale des artistes et des hommes et femmes politiques.

"Vu à la télé" Plus on passe à la télé, plus on est crédible. Terrible. La télé donne à voir une fausse réalité, et ce qu'on appelle "télé réalité" est évidemment un grand "télé mensonge".

Les présentateurs stars étant ceux dont l'égo est le plus inversement proportionnel à leur talent!


Heureusement, il y a toujours des artistes qui cherchent à aller au plus près des choses, d'une perception sensible et aiguë des rapports humains et sociaux.

Des artistes qui s'offrent corps et âme à l'Art, la religion de Woody Allen, et la mienne.

Des artistes qui transgressent, transcendent et nous transportent.

Des artistes qui ne sont pas "juste une image", pour paraphraser Jean Luc Godard, mais "une image juste".

Etre ou paraître, voilà la question!


samedi 20 mars 2010

L'ELOGE DE L'OMBRE


Aujourd'hui que tout le monde rêve d'être célèbre et que le quart d'heure de célébrité wharolien est le fantasme absolu le plus partagé, j'ai eu envie de mettre un coup de projecteur sur ceux qui oeuvrent dans l'ombre. Les artistes derrière les artistes.

Comme j'adore la chanson, et je l'ai prouvé, ce sont ceux qui sont derrière les tubes, derrière les chanteurs qui m'ont intéressé.


J'ai été parler à Jacques Duvall, le dandy belge, celui qui a écrit des bijoux sur mesure pour Lio, puis pour Alain Chamfort.

J'ai interrogé Nicolas Repac sur la colline de la Butte Montmartre qui a ciselé les arrangements magnifiques et lumineux pour Arthur H.

J'ai causé à Alana Filippi, qui, avant d'écrire "J'attends l'amour" pour Jennifer, a collaboré pendant 15 ans aux chansons de Daran.

J'ai choppé Jean Lamoot dans son studio à Ferber, qui a réalisé "Fantaisie militaire" et "L'imprudence" pour Alain Bashung, ainsi que des albums pour Salif Keita, Noir Désir, Brigitte Fontaine, Indochine, Vanessa Paradis, et j'en passe...

J'ai cuisiné Marcel Kanche, le dandy sauvage qui a écrit "Qui de nous deux" pour -M-, ainsi que des chansons pour Vanessa Paradis.


Et j'ai appris plein de choses passionnantes. Qu'ils aimaient leur place. Qu'elle leur correspondait profondément.

Qu"ils avaient un regard circonspect sur ceux qui sont cramés par la lumière. Ces "vedettes" jetées en pâture aux médias cannibales.

Que la lumière, à trop forte dose, ça cramait.

Que "pour vivre heureux vivons caché" était un proverbe qu'ils revendiquaient souvent avec humour.


Moi qui ai grillé sous les feux des projecteurs, puis qui ai regardé dans l'ombre ceux que je mettais en scène avec jubilation et passion.

Moi qui ai bien connu les deux places, ses bonheurs et ses tourments.

Celle de la lumière qui, de fait, occulte ceux qui ont participé à la création de l'oeuvre et dont le souffrance vous touche en plein coeur.

Celle de l'ombre où l'on assiste à la vampirisation nécessaire de votre travail par l'artiste qui est sous les projos, et où la sève qu'on lui a insufflé vous échappe pour le faire grandir, lui, j'ai eu envie d'interroger ces alter egos de la création.


Comme dit Alana Filippi dans un de ses textes:

"De l'ombre ou de la lumière, lequel des deux nous éclaire?"


Et Marcel Kanche: "C'est de l'ombre qu'on voit le mieux la lumière"


Belle question philosophique…


jeudi 11 mars 2010

LA VOIX. EN AVOIR OU PAS



Ça y'est! "La nouvelle star" remet le couvert sur M6! L'émission est plutôt marrante à regarder. Le quatuor de jurés sympathiques: Manoukian, le philosophe de surface, Lio la belle rebelle, Manoeuvre, le vieux rockeur aux Rays bans, et Marco Prince, la classe internationale. Ce qui est effarant c'est le nombre de gens qui veulent devenir cette "nouvelle star". Le phénomène est grandissant. Aujourd'hui, les jeunes, c'est pas "acteur" ou "chanteur" qu'ils veulent faire. C'est star. C'est grave. Leur rêve ne passe pas par des répertoires, des heures à écouter tel ou tel chanteur, des nuits à lire les paroles sur des pochettes de disques ou les biographies de grandes vedettes. Non. Leur rêve est carré. De la forme de leur écran plasma. Entièrement créé, désiré, formaté par et pour la télé. Dieu merci, parmi ces hordes de gens qui rêvent de devenir des stars, il y avait des Christophe Willhem, des Julien Doré, des vrais personnages habités par la musique. Uniques, originaux et bourrés de talent. Il y en a forcément d'autres.


Question personnalité, nos quatre lascars du jury savent de quoi ils parlent! Ils ont chacun la langue bien pendue et de l'esprit à revendre. Mais ce qui me sidère, c'est cette phrase lancinante, obsédante, récurrente "Nous, ce qu'on cherche c'est des voix". Comme si être chanteur, c'était avoir de la voix.

Parce que paradoxalement, toute l'histoire de la chanson démontre que justement, s'il y a une chose qu'il n'est pas indispensable d'avoir quand on est chanteur, ou chanteuse, c'est bien une voix.

Gainsbourg, Dutronc, Souchon, Hardy, Birkin, Bardot, Yvette Guilbert, Mistinguett, Josephine Baker, Etienne Daho… J'en passe et des meilleurs!

Même Olivia Ruiz, la seule artiste rescapée de la Star Ac' qui fait une carrière inouïe, originale, personnelle et populaire, a une voix très particulière. Le contraire de lisse et formatée. Et pourtant, c'est elle qui décroche prix sur prix, Victoire sur Victoire, disque de diamant sur disque de diamant. Sans pour autant céder d'un pouce aux maisons de disques sur son exigence et ses goûts artistiques. Tous ses collègues de télé-réalité qui se sont laissé jouer du pipeau par des DAs prétentieux sont morts. Aux oubliettes. Circulez y'a rien à voir. Et plus rien à entendre!

Et Madonna, aujourd'hui la femme qui vend le plus d'albums, de places de concert, de T shirts au monde!? S'il y a une chose que Madonna n'a pas, c'est bien une voix! On est d'accord, elle a tout le reste.

Avec Mylène Farmer on atteint les sommets de l'absence de voix. Mais quel univers! Dont elle est l'auteur, ne l'oublions pas.

Mick Jagger a toujours chanté faux, comme Bob Dylan. Ça ne les a nullement empêchés d'être parmi les plus grandes stars de leur époque. Et d'être encore aujourd'hui des mythes vivants.

C'est que le point commun de tous ces "chanteurs" c'est ailleurs qu'il faut le chercher. C'est dans leur intelligence, dans leur personnalité, dans leur humour, dans leur approche particulière du métier. Et surtout, dans leur charisme.

Soyons clairs. Ce n'est pas qu'ils n'ont pas de voix. C'es qu'ils ont la leur. Nuance!

Pourquoi donc, cette survalorisation de la voix? Comme si c'était dans la pureté du timbre, dans le nombre d'octaves que ça se passait. Que nenni. Ceux qui ont tout ça font d'excellents choristes! Et ça n'est pas Lio qui va me contredire! Sa voix acidulée fait merveille et elle a plus d'un tube à son actif!

On parlerait d'opéra…. je comprendrais. Quoique Maria Callas est justement devenue la plus grande diva grâce à ses défauts. C'est parce qu'elle était tellement différente qu'elle est devenue unique. Ce sont toujours les défauts qui deviennent avec le temps les premières qualités.

Pour la variété, qui n'est pas un art si mineur que ça, n'en déplaise à Gainsbourg, c'est décidément ailleurs que ça se passe. C'est pas au niveau des cordes vocales que ça joue. C'est au niveau de l'univers. C'est pas faire des vocalises, qu'il faut! C'est écouter des disques, lire des livres, aller au cinéma, regarder de la peinture, se nourrir de mille influences…


Il est de bon ton de se moquer du filet de voix de Carla Bruni. Mais elle a la voix la plus sexy du monde! Voilée, sentant l'oreiller et les nuits blanches. Et quand elle sussure ses mots amoureux et ciselés, sa voix vous pénètre. Si ça, c'est pas sexy?

Alors pourquoi nos quatre jurés sont ils en boucle sur "on cherche des voix". Parce que c'est plus tangible que de dire "on cherche un univers" ou "on cherche quelqu'un qui ne ressemble à personne d'autre?" Parce que chercher une voix, ça fait pro? C'est rassurant? C'est tangible? Allez savoir…. Espérons juste que le public fera preuve d'autant d'audace que les fois précédentes en choisissant quelqu'un de vraiment spécial.


Quand à moi, j'ai trouvé ma voie. Dimanche, je chante Gainsbourg, Régine, Birkin, Madonna, Mistinguett et Fred Astaire! Tous ces grands qui n'étaient pas "desservis par une grande voix" comme disait joliment Sacha Guitry de Mireille. Les vocalises m'attendent!


lundi 1 mars 2010

Michaël Lonsdale et moi!


J'ai de la chance. Je viens de passer 24h avec Michaël Lonsdale. Pour les besoins d'un moyen métrage pour France 2. C'est pas tous les jours qu'on rencontre un homme qui a joué sous la direction de Samuel Beckett, Luis Bunuel, Marguerite Duras, Orson Welles, François Truffaut et Joseph Losey. Entre autres.


On est vendredi. Direction Strasbourg où nous allons tourner une scène ensemble. Strasbourg, la ville d'où viennent les Loeb. Dans le train, cette grande carcasse au regard doux et au phrasé inimitable me parle de ses liens et de ses souvenirs avec ma famille. Il a bien connu mon grand père, Pierre Loeb, le grand marchand de tableaux, ami de Breton, Picasso, Breton, Artaud et bien d'autres. "Le plus grand marchand", dixit Lonsdale. De sa fille, ma tante Florence, de son premier mari Romain Weingarten et de leurs filles, dont Isabelle, l'égérie de Guy Bourdin et Sarah Moon dans les années 70. Dans le film, on va tourner une scène avec un faux Dali. Un peintre qu'il n'aime pas. Moi non plus. On évoque le personnage délirant et ses provocations, génial auto publicitaire. Il se souvient de lui clown pathétique marchant rue des Beaux Arts. Je me souviens que Gainsbourg s'est inspiré de la phrase de Dali "Picasso est espagnol. Moi aussi. Picasso est un génie. Moi aussi. Picasso est communiste. Moi non plus." pour son chef d'oeuvre "Je t'aime moi non plus"

D'une malice et d'une fraîcheur intactes, Lonsdale évoque Beckett, avec lequel il a créé trois de ses pièces. Les silences légendaires de Beckett.


Samedi. "Silence. On tourne!" J'aime retrouver les plateaux de cinéma. C'est amusant, léger. Pas foulant. Je repense à Mastroianni qui disait "C'est très facile de faire l'acteur. On vient vous chercher chez vous, on s'occupe de vous, on vous dorlotte. On fait l'amour à de belles femmes" Et, provocateur, il ajoutait "Parfois c'est même la femme du producteur!"… Effectivement, je me sens plus proche du beau Marcello et de Depardieu dans leur approche élégante et pleine d'auto-dérision du métier que de ces acteurs qui se répandent avec complaisance sur leurs souffrances! Un peu de pudeur s'il vous plaît! Les plateaux de cinéma, c'est pas les mines de sel, non plus. On est d'accord que le plus difficile dans ce métier, c'est de ne pas le faire.

Lonsdale est élégant. Juste ce qu'il faut de distance. Il est absolument présent, et son oeil qui frise avec malice nous dit qu'il n'est pas dupe. Tout ça est bien "du cinéma"!


Au déjeuner, entre les prises, il me parle de Claude Régy. "La mort. La peur. La mort. La peur. La mort. La peur" (sic) Ça le rase. Effectivement, on ne peut pas dire que ça fasse envie.

Une chose est certaine, c'est que Lonsdale, lui est dans la vie et dans la joie.


Pour preuve, il fait une nouvelle exposition de ses toiles au 33 de la rue Guénégaud dés jeudi. Je ne sais pas vous, mais moi, j'irais faire un tour au vernissage!