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mercredi 26 janvier 2011

ô jeunesse ennemie...


Olivier Saillard, désormais directeur du Musée Galliéra, le musée de la mode, régale les happy few de la mode deux fois par an avec des performances ultra chics et d'une intelligence sans faille. Pendant les deux Fashion weeks annuelles et avec la collaboration indéfectible et élégante de Violeta Sanchez, l'une des mannequins les plus emblématiques et les plus particulières des années 80, l'égérie de Helmut Newton, David Seidner et Yves Saint Laurent, (rien que ça!), il nous offre dans un show d'une demie heure, une mise en abime brillante de la mode et de sa vacuité. Hier 25 janvier, comme à l'accoutumée, nous avons eu droit à un sacré lifting mental! A la lecture du carton et de son intitulé "O tempes suspends ton vol" imprimé sur une feuille d'agenda arrachée, comme chaque journée qu'on tente de voler au néant, on avait compris qu'il y serait question de temps, de vieillesse, de jeunesse… Comment ne pas paraphraser Corneille pour s'écrier "Ô rage, ô désespoir… Ô jeunesse ennemie…."

Devant un parterre de ce qui se fait de plus raffiné dans le petit monde de la mode, de Christian Lacroix à Clara Saint en passant par Dominique Isserman, définitivement accros à ces rendez vous, on découvre sur le sol en béton gris, des gazes blanches qui nous dissimulent des objets. Un assistant lève le voile. Ce sont des protège visages au bout d'un manche, tout ça en plastique, recouverts d'impressions de photos en noir et blanc qui en épousent la forme. Sous chaque masque est posée une feuille sur laquelle est écrit le texte subtil et désopilant qui sera lu tour à tour par Olivier et Violeta. Celui qui ne lit pas, tient le masque devant son visage et se tourne avec grâce pour le montrer à l'assistance, pliée de rire. Les textes d'Olivier sont, comme toujours, des bijoux d'élégance et de malice, et ses phrases tranchantes comme des scalpels. Il se moque avec cruauté et humour noir, la couleur qu'a lancée Yves Saint Laurent, des méfaits de la chirurgie esthétique. Il est question de bouches et nez en cagettes, de haute suture et autres trous de bouche en canard WC… On est aux anges. Dans l'assistance, celles et ceux qui ont eu recours aux seringues et/ou aux bistouris sont nombreux; comme ils savent qu'il n'y a rien de tel pour remonter le visage qu'une bonne rigolade, ils s'en donnent à coeur joie. Le temps de la performance, Olivier Saillard nous expédie la chirurgie esthétique et ses dérives désolantes. S'il commence par nous rappeler ce que celle-ci doit aux gueules cassées de 14-18, il brode ensuite sur ce que ces nouveaux visages en série nous renvoient comme image de nous formatées, lisses, et surtout désespérément stupides. Olivier d'évoquer Jeanne Moreau, à la bouche mythique et sublimement dédaigneuse, la Casati, photographiée par Man Ray, avec ses quatre grands yeux charbonneux, la Magnani aux belles rides de douleur et l'angoissant Michaël Jackson avec son nez pincé de pince à sucre obsolète.

Les grandes cramées du bistouri peuvent numéroter leurs abatis. Elles sont laminées par la prose proche du haïku dite avec grâce par Violeta dont le nez unique a changé la face de la Haute Couture.

C'est un défilé de tronches mais aussi de citations littéraire, de "Confessions d'un masque" de Mishima à "La peau de chagrin" de Balzac et si Olivier tire à bout portant, son show est lui, tiré à quatre épingles.

Le divin Olivier de conclure en citant Coco, la grande Mademoiselle au visage ridé comme une vielle pomme et à la moue hautaine " Il n'y a rien de plus vieillissant que de vouloir rester jeune". CQFD!

Un vrai moment d'art moderne.

Comme le dit Paquita Paquin, qui se précipite, comme nous tous, en coulisses pour embrasser les deux performers: "Tu as épuisé le sujet". S'il l'a épuisé, s'il a bien fait les coins, nous, nous sommes rajeunis de dix ans devant de tels assauts d'esprit et de culture. On se sent renaître cet après midi froid, et on se dit que 2011 commence sur des chapeaux de roue! Question niveau, il a mis la barre haut.

Mais ce mardi, le plus navrant, ça n'étaient ni les faux nez ni les bouches repulpées. Mais bien les faux culs. Et ceux là, aucun bistouri n'y peut mais.

mardi 18 janvier 2011

Féroces



Charmants. Ils sont charmants, les parents de Robert Goolrick. Féroces. Ils sont féroces. Ils abusent. Ils abusent de cocktails sophistiqués dans la belle maison dans laquelle ils accueillent leurs voisins ou leurs relations pour des diners ou des verres mondains. Ils abusent de bonnes manières dans leurs costumes en tergal et leurs robes fleuries en popeline. A la manière des personnages élégants et tirés à quatre épingles de "Mad men", la série culte, ils abusent de clopes, et finissent par en crever, de tous ces abus. Dans ce magnifique livre, Robert Goolrick commence par ça. La mort. Celle de ses parents. Avant de décrire avec une précision glaçante comment ils l'ont assassiné quand il était enfant. Ça commence par la boite dans laquelle il tient les cendres de son père. Ça commence par l'état de déchéance pathétique dans lequel sont ces deux parents qui ont abusé. Malades, grabataires, des épaves physiques et morales. Des pauvres choses détruites et amères. Lui, Robert Goolrick, celui auquel on a volé son enfance et sa vie ne l'est pas, amer. Il est lucide, il est implacable. Il est drôle aussi. On imagine la souffrance qu'il a fallu surmonter pour réussir à être léger en racontant ce qu'il raconte avec cette apparente distance.

Ses parents étaient féroces. Atroces aussi. Atroces, ces faux semblants, cette hypocrisie et leurs cocktails mondains toujours trop arrosés qui cachaient un secret. Un secret atroce. Le talent puissant et subtil que déploie Robert Goolrick parvient à nous amener progressivement à comprendre la violence dont il a été l'objet. Objet. Il devient l'objet de ses parents élégants et lisses. De ces parents beaux, tout droit sortis d'un de ces films des années 50 en Technicolor où les grandes familles américaines jouissent gaiement de l'american way of life. Quand on regarde ces films aujourd'hui, on leur trouve un charme fou. Le Technicolor a rendu ses couleurs, qui ont passé, mais tout le mode a l'air si heureux. Elle est comme ça l'enfance de Robert Goolrick. Comme un film en Technicolor sauf qu'on a juste envie de gerber en le regardant.

C'est l'histoire d'un abus, niché dans une famille normale. Et l'auteur nous décrit comment toute sa vie il se débat pour juste y survivre.

Goolrick regarde en face ce qui a fait de lui un monstre de douleur, un homme qui se taillade les veines tout seul dans des chambres d'hôtel sordides pour se faire jouir, au risque d'y laisser sa peau.

"Féroces", est un grand livre. C'est un livre sur la famille. C'est un livre sur l'inceste.

C'est un livre qu'on n'oublie pas quand on l'a refermé.