Charmants. Ils sont charmants, les parents de Robert Goolrick. Féroces. Ils sont féroces. Ils abusent. Ils abusent de cocktails sophistiqués dans la belle maison dans laquelle ils accueillent leurs voisins ou leurs relations pour des diners ou des verres mondains. Ils abusent de bonnes manières dans leurs costumes en tergal et leurs robes fleuries en popeline. A la manière des personnages élégants et tirés à quatre épingles de "Mad men", la série culte, ils abusent de clopes, et finissent par en crever, de tous ces abus. Dans ce magnifique livre, Robert Goolrick commence par ça. La mort. Celle de ses parents. Avant de décrire avec une précision glaçante comment ils l'ont assassiné quand il était enfant. Ça commence par la boite dans laquelle il tient les cendres de son père. Ça commence par l'état de déchéance pathétique dans lequel sont ces deux parents qui ont abusé. Malades, grabataires, des épaves physiques et morales. Des pauvres choses détruites et amères. Lui, Robert Goolrick, celui auquel on a volé son enfance et sa vie ne l'est pas, amer. Il est lucide, il est implacable. Il est drôle aussi. On imagine la souffrance qu'il a fallu surmonter pour réussir à être léger en racontant ce qu'il raconte avec cette apparente distance.
Ses parents étaient féroces. Atroces aussi. Atroces, ces faux semblants, cette hypocrisie et leurs cocktails mondains toujours trop arrosés qui cachaient un secret. Un secret atroce. Le talent puissant et subtil que déploie Robert Goolrick parvient à nous amener progressivement à comprendre la violence dont il a été l'objet. Objet. Il devient l'objet de ses parents élégants et lisses. De ces parents beaux, tout droit sortis d'un de ces films des années 50 en Technicolor où les grandes familles américaines jouissent gaiement de l'american way of life. Quand on regarde ces films aujourd'hui, on leur trouve un charme fou. Le Technicolor a rendu ses couleurs, qui ont passé, mais tout le mode a l'air si heureux. Elle est comme ça l'enfance de Robert Goolrick. Comme un film en Technicolor sauf qu'on a juste envie de gerber en le regardant.
C'est l'histoire d'un abus, niché dans une famille normale. Et l'auteur nous décrit comment toute sa vie il se débat pour juste y survivre.
Goolrick regarde en face ce qui a fait de lui un monstre de douleur, un homme qui se taillade les veines tout seul dans des chambres d'hôtel sordides pour se faire jouir, au risque d'y laisser sa peau.
"Féroces", est un grand livre. C'est un livre sur la famille. C'est un livre sur l'inceste.
C'est un livre qu'on n'oublie pas quand on l'a refermé.
You're back on your Blog?! Good news! Bonne analyse du roman de Goolrick.
RépondreSupprimerC'est effectivement super fort, intense, violent, courageux. Un livre d'une puissance rare. Où l'auteur donne à entendre la terrible beauté et l'inconsolable tristesse de la vie. L'inaltérabilité de certains traumatismes et pourtant, l'aptitude d'un homme à leur survivre. A lire donc!...