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vendredi 5 février 2010

VANITÉS, TOUT EST VANITÉ


Des crânes. Partout. En peinture, en sculpture, en couleur, en noir & blanc, en gants de laine, à l'endroit, à l'envers, en plexiglass, en mortadelle, en pastèque, en ivoire, en bois, en néon. Réalistes, surréalistes, hyper réalistes, abstraits, drôles, tragiques, inquiétants, précieux, dégoutants, iconoclastes, pudiques, élégants, vulgaires, philosophiques, tape à l'oeil, profonds, inutiles, anecdotiques, esthétiques, grotesques, repoussants, avec des oreilles de Mickey. Des squelettes, des cannes, des boîtes, des pendentifs, des colliers, un photophore, des vidéos, des masques, des anamorphoses, de Pompei à Damian Hirst, de Zurbaran à Braque, d'Annette Messager à Picasso, de Clovis Trouille à Hélion, de Caravage à Baselitz, de Pierre et Gilles à Warhol, de Robert Mapplethorpe à Jean Pierre Raynaud, de Cyndi Sherman à Boltanski. C'est quasiment 2000 ans d'art qui sont concentrés au merveilleux musée Maillol pour l'exposition "C'est la vie!", autour du thème des vanités. Memento mori. "Souviens toi que tu vas mourir" soufflait l'esclave au vainqueur romain. Tout n'est que vanité. "Et après Dubaï, nous irons sans doute à Gstaad" souffle une vieille dame bronzée en vison à une autre vieille dame bronzée en vison. On est bien loin de la réflexion philosophique que ces oeuvres sont censées susciter. Le côté mise en abime de la brieveté de l'existence terrestre leur passe complètement au dessus du brushing, alors qu'elles regardent distraitement ce qui ressemble fort à leur futur proche: des crânes.


Cet après midi, c'est vernissage. Du beau linge se presse pour avoir la primeur de cet accrochage magnifique. Flanquée de mon chevalier servant Axel Brücker, je dévore des yeux pendant qu'il me fait des commentaires malins et rigolos. On croise Maurice Tinchant, Dominique Fury, Irié et Laurent Laclos… Le tout Paris se presse à cette exposition exceptionnelle que l'on doit à Patrizia Nitti, Olivier et Bertrand Lorquin, Elisabeth Quin et Loïc Malle dans une scénographie parfaite de l'agence Klapisch-Claisse.

La représentation de la mort terrifie et fascine depuis la nuit des temps. Elle est depuis la plus Haute Antiquité un passage obligé dans la représentation de la vie. Dans les années 50, la tête de mort commence à devenir un motif galvaudé. A l'époque elle orne les motos des bikers et autres "Hell's Angels", puis est au coeur du mouvement punk "No future", déclinée en tatouages ad libitum. On la trouve désormais sur: en vrac, des T shirts, des foulards, des chapeaux, des chaussettes, des jeans, des babygros, des capotes qui ne donnent ni la vie ni la mort, des nounours. Des glaçons (garçon, l'addition!), des biscuits, des bonbons, des nouilles noires colorées à l'encre de seiche en forme de tête de mort, des bougies, des mugs, des serviettes etc, etc…. "C'est la vie!" La mort, c'est la vie, comme aurait pu le dire Rrose Selavy, aka Marcel Duchamp. Eros et Thanatos. On n'y échappe pas. Ni à l'un, ni à l'autre. Fuck la mort!

Une vitrine ouverte dans le mur de pierre et l'on est en face des nus pleins et costauds de Maillol, à l'état d'ébauche, en plâtre, sur des socles. Là, c'est plus Eros que Thanatos. La chair n'est pas triste et je repense à tous ces livres qu'il me reste à lire….

Mais la camarde me fauche à cette vision de vie sensuelle. C'est reparti pour la ronde macabre. L'expo est d'une richesse incroyable. La diversité et la qualité des oeuvres est stupéfiante.

"La mort nous rend bien littéraires" écrivait avec son humour grinçant Jules Renard, stigmatisant la vaine prétention de ceux qui veulent laisser une trace dérisoire de leur passage sur terre. Et pourtant… C'est bien la mort qui nous inspire nos plus belles oeuvres. Ou du moins la conscience qu'on en a. C'est cette fin impensable qui nous pousse à créer comme l'analyse finement Maurice Blanchot dans "L'espace littéraire".


Si les vanités de Pompeï ou du XVII ème siècle étaient là pour mettre le mortel en face de son destin, et le faire réfléchir, dorénavant la tête de mort est devenue un support de spéculation comme une autre et Damian Hirst le démontre brillamment (c'est le cas de le dire!) avec sa tête de mort recouverte de milliers de diamants.

Aujourd'hui la perte de sens et notre fuite en avant vers la fin de l'humanité dont on nous donne des (mauvaises) nouvelles tous les jours, ont fini par vider de son signifiant jusqu'aux têtes de mort, devenues un hochet de plus de la mode éphémère et narcissique et "No future" n'est plus un slogan balancé par des ados désespérés mais l'affirmation de notre horizon un peu plus bouché chaque jour. "C'est comment qu'on freine?"


Cette angoisse de la mort, cette idée de la fin impossible à appréhender, cette question par définition sans réponse "Pourquoi vivre, puisqu'on va mourir?" aura été au coeur de l'élaboration de toutes les religions, de toutes les philosophies, et des créations artistiques les plus diverses depuis la nuit des temps. Et cette exposition en est la démonstration brillante et jubilatoire.

"Viva la muerte!" lance Brücker, avec l'énergie du torero narguant la mort qui fait tourner sa cape flamboyante devant le toreau avec panache.

La question n'est plus "être ou ne pas être", mais bien "y aller ou ne pas y aller". Au Musée Maillol.

Y aller. Les yeux fermés. Puis les ouvrir. Et en prendre pour son grade. Mortel!




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