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samedi 16 janvier 2010

Gainsbourg et les poupées



Ça y'est! Le film sur notre Gainsbourg national va enfin sortir! Et nous, les enfants de Gainsbourg, on a hâte de se reprendre un petit shoot de notre Maître. Gainsbourg magique, génial, paradoxal, émouvant, subversif, fascinant. On a tous en nous quelque chose de Serge Gainsbourg.

C'est donc pour moi l'occasion de partager avec vous un souvenir personnel avec le beau Serge. La beauté des laids, des laids des laids, se voir sans délai délai…

Au tout début des années 80, autant dire dans une vie antérieure, j'ai été styliste photo. J'ai même eu la chance de travailler quelque temps avec Mondino. Episode qui m'a marqué et m'a servi des années plus tard quand je me suis découverte avec bonheur metteuse en scène. Gainsbourg préparant son livre "Bambou et les poupées" fait appel à moi. L'émotion en arrivant rue de Verneuil. L'atmosphère incroyable de l'appartement noir avec le tirage géant de la photo de Bardot, le buste moulé de Jane B, la partition de "La marseillaise" sur un pupitre, un écorché grandeur nature…. Et lui. Adorable. Timide. Un écorché, lui aussi. Charme fou. Me proposant un bull shot à dix heures du mat'! La mission? Lui trouver un petit lit en fer forgé et des poupées. Ni de cire, ni de son. Gonflables. Pour un livre de photos qu'il préparait avec Bambou.

Pas de problème. Le lit en fer forgé, c'était du gâteau. Quand aux poupées gonflables…. J'avais bien fait venir un costume de King Kong de Londres pour Mondino! Ça ne devrait pas être bien sorcier…

Pas dégonflée, me voilà donc partie pour la rue Saint Denis avec mon appareil Polaroïd pour faire mon casting de poupées en plastoc. La tête des vendeurs des sex shops quand je leur demandais si je pouvais faire un pola! En insistant un peu, ils étaient d'accord. Le hic, c'est que les fameuses poupées gonflables, elles n'étaient pas gonflées. Elles étaient sagement pliées dans leur boite, avec juste la tête apparente. Et il y a peu de choses aussi déprimantes qu'une tête de poupée gonflable! Elle a des grands yeux en plastique, forcément, avec un gros trait d'eye-liner, et la bouche ouverte. Ben oui. Des trois que les Dieux t'ont donné, Je décide dans le moins lisse de m'abandonner. (love on the beat)… Ceux qui achètent ce genre d'objet aussi, à mon avis, c'est cet orifice là qu'ils choisissent.

Ils ont du mérite. Plus débandant qu'une poupée gonflable, je ne vois pas. Le plastique est cheap, le plastique, c'est pas fantastique, le corps est sommaire, la tête est immonde… Et surtout l'idée est navrante. Enfin… Si ils arrivent à prendre leur pied comme ça… C'est toujours moins pire que d'aller se faire une gamine de l'Est de 16 ans complètement défoncée sur les boulevards extérieurs!

Mais je m'égare…

Me voilà donc en train de faire des polas de ces têtes bouche ouverte - yeux vides coincées dans leur boite pour les montrer à Gainsbarre, avec à côté le vendeur qui se dit qu'il a déjà vu des pervers, mais que là, c'est le pompon!

Inutile de vous dire que c'est Gainsbourg qui en a fait une drôle, de tête, en voyant le niveau de la laideur de l'objet. Consterné, qu'il était. Autant dire que ça n'allait pas. Il allait falloir que je me décarcasse pour lui trouver un peu mieux que ça!

Me voilà donc repartie direction rue Saint Denis. Dans les années 80, pas d'internet. Fallait y aller, marcher, se rancarder. Enfin, un vrai boulot, quoi! Le mien, à l'époque.

A force de chercher, je la trouve, la perle rare. Une poupée non pas gonflable, mais moulée, et dans une matière un peu moins atroce que ses consoeurs du plastique. Pas besoin de souffler dedans pour qu'elle se déplie. Ils l'avaient même affublée d'un prénom, genre Simone, avec une mini biographie.

Je décris la donzelle à Gainsbourg. Rendez vous est pris pour aller la voir chez le marchand et en passer commande, si elle tient ses promesses en vrai, la Simone.

9 heures du mat' j'ai des frissons… on se choppe un taxi rue de Verneuil pour monter jusqu'à Pigalle, la mecque du cul.

Banco. C'est le coup de foudre. Il en commande une demi douzaine.

Le jour J, studio photo, le lit en fer, les poupées, Bambou… tout est prêt pour le shooting. Il me met gentiment dehors. Il n'a plus besoin de moi.

Les photos et le livre sont très beaux. Il omet de me citer. Pas grave.

Il y a quelques années, Laurent Balandras avec lequel je travaille, a publié "Les manuscrits de Gainsbourg"* annotés et commentés. En dépouillant les archives de Serge, il est tombé sur la page du carnet Hermés sur lequel celui ci avait griffonné mon nom et mon # de téléphone pour le stylisme de "Bambou et les poupées". C'était émouvant de voir ça.

Je finirais cette évocation avec une phrase magnifique, qui clôt le livre des Manuscrits: "Dans la vie, on est tous des bleus".

C'est beau, non?


* "Les manuscrits de Gainsbourg" aux éditions Textuelle 2006


2 commentaires:

  1. pas mal cette rencontre !

    y'a un bon petit film avec Dupontel et Simone la poupée moulée ;) je crois que c'est "Monique".

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  2. J'ai retrouvé Simone après de longues années sans la moindre nouvelle.
    Elle tient un gogo-dancing-oil-massage à Wanchi, sur Lockhart Road. J'étais rentré par hasard. Je voulais acheter un sac de siure.
    Une fille formidable, rendue muette par cette session de photos qui l'a dévastée. A ce jour, elle refuse d'en parler. Elle dit je suis comme ces poilus qui se sont murés dans le silence.
    Oui.

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