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lundi 8 février 2010

GUILLAUME GALLIENNE



Guillaume Galliene, je l'avais vu comme tout le monde à la télé, dans ses sketches sur Canal + où il croque avec talent des personnages grotesques et prétentieux du show biz. Au cinéma, toujours juste, toujours habité. Toujours cette présence particulière. Je viens de le voir au théâtre de l'Athénée dans "Les garçons et Guillaume à table!". Il y est extraordinaire. Il nous embarque dans son enfance, ses rapports avec sa mère, son père (curieusement, les frères sont absents), ses séjours linguistiques, la visite médicale qui lui a permis d'être réformé du service militaire, ses tentatives de passage à l'acte homosexuel et finalement son "coming out" hétéro. J'en passe et des meilleures. On voit bien à quel point tout ça puise dans sa vie, dans son intimité la plus secrète. Avec une intelligence et un talent qui font tout passer. Guillaume Gallienne est de bout en bout fascinant de drôlerie, de sincérité. Avec ce spectacle il démontre brillamment, non seulement son talent inouï d'acteur, qui fait exister un personnage en une phrase, mais aussi à quel point une vie d'artiste peut se cristalliser autour d'une petite phrase douloureuse. Les fameuses phrases assassines qui résonnent en nous parfois longtemps, parfois à vie, et qui peuvent nous faire basculer.

Comme l'huitre fabrique sa perle autour du grain de sable intrus, l'artiste tricote autour de ses failles, de ses souffrances, de ses doutes et élabore son art autour de là où ça fait mal.

Une phrase, comme un grain de sable qui, en enrayant la machine, l'oblige à fabriquer autre chose. En l'occurrence de l'art, de la fiction qui permet de prendre une distance avec le réel qui fait souffrir. Comment une phrase peut résumer un rapport au monde. Comment une phrase peut cristalliser un rapport mère/enfant. Comment une phrase peut faire douter un enfant de son identité, l'obligeant à s'en inventer d'autres.


"Être une artiste signifie guérir continuellement ses propres blessures, et en même temps les exposer sans cesse." dit brillamment la grande Annette Messager.


Il y a quelques années, je me suis passionnée pour le cas de Billy Milligan auquel Actuel avait consacré un grand article. L'homme, atteint d'une schizophrénie à personnalité multiple, "devenait" tour à tour, une fillette, un prolo écossais, un dandy anglais etc…. en changeant de voix, d'attitude corporelle. Ces symptômes impressionnants avaient été, parait-il, déclenchés par des viols répétés lors de son enfance par son père. Les "personnages" étaient donc là pour lui permettre de supporter le réel. C'était il y a trente ans. Aujourd'hui, il semblerait que ces fameux cas de "personnalités multiples" soient très controversés, et on parle de manipulation de certains psychiatres américains.


Quoi qu'il en soit, ce qui m'a fasciné c'est cette idée qu'une personne, pour éloigner une réalité violente portant atteinte à sa dignité, puisse avoir recours à des alter ego. J'y ai tout de suite reconnu la pathologie du comédien qui, comme le décrit très bien Diderot dans son "Paradoxe du comédien" n'est jamais si bien lui même que lorsqu'il est dans la peau d'un autre.


Tout le spectacle de Guillaume Gallienne est construit autour de cette phrase "Les garçons et Guillaume à table!". Comment son identité sexuelle s'en est trouvée ébranlée. Comment le regard de sa mère, qui ne l'identifie pas comme un des garçons, déteint sur lui. Comment sa personnalité et son génie d'acteur se fabriquent autour de cet aveu limpide et inconscient de sa mère.


Ceux qui ne connaissent pas, ou ont peur de la psychanalyse pensent toujours qu'une thérapie va leur enlever de la créativité. C'est, évidemment, exactement l'inverse. En permettant de mettre à nu les souffrances, de les regarder en face, et éventuellement, de les apprivoiser, la psychanalyse permet d'en faire quelque chose.

Créer une oeuvre d'art ne se substitue pas à une analyse, comme le croient certains artistes naïfs. C'est transformer une souffrance en objet artistique. Ce qui est déjà énorme. Mais je suis convaincue que, s'il n'est évidemment pas nécessaire de tâter du divan pour être un grand artiste, sa pratique permet d'aller plus loin, d'être plus juste, plus proche de ses mots.


Guillaume Gallienne a tout compris. Comment les "défauts" les plus douloureux deviennent, à force de travail et d'intelligence, les qualités premières d'un artiste. Sous l'oeil, de toute évidence, précis et exigeant de Claude Mathieu. On attend avec impatience son prochain spectacle. Et on retourne voir ce bijou!

En ce moment au théâtre de l'Athénée

1 commentaire:

  1. Guillaume Gallienne, je l'ai découvert en remplaçant de Thierry Hancisse, dans Le Dindon, de Feydeau, à la Comédie française. Cela reste un de mes meilleurs souvenirs de théâtre.
    J'ai revu cette même pièce à la télé, avec Hancisse (que j'apprécie fort également). Ce n'était pas pareil ; pas aussi habité qu'avec Gallienne.
    Depuis, Gallienne illumine mes samedis fin d'après-midi, avec ses lectures sur Inter.

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