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mercredi 28 avril 2010

LISE & LULU, PIERRE LOEB... ET MOI!





Ce soir, le 28 avril 2010, je referme "Lise et Lulu", le très beau livre de Lise Lévitsky et Bertrand Dicale. Quelle émotion!


On savait que, comme toujours avec Gainsbourg, derrière cette chanson "L'hippopodame" se cachait une vraie histoire. Une vraie femme. Une vraie histoire d'amour. Gainsbourg faisait feu de tout bois, et son "rôle " de Gainsbarre lui permettait de se mettre à nu beaucoup plus que quiconque ne l'imaginait.

Oui. Cette grosse femme était son premier amour, et il la verrait et en serait l'amant toute sa vie.


Le texte est très fort. Bien écrit. Des scènes incroyables. La libération de Paris d'une violence, d'une folie hallucinante. Hallucinée…. Lise dans sa robe jaune éclaboussée du sang et de la cervelle d'un jeune allemand. Elle l'enlève dans un bistrot, la lave, et la remet. Elle séchera au soleil. Il fait beau.

L'antisémitisme qui continue à faire des ravages après la libération. Bien sûr que les idées sordides continuaient à ronger les esprits. Evidemment que la libération n'a pas transformé les mentalités instantanément, et que les juifs ont continué à être montrés du doigt et humiliés.

Leur rencontre à l'Académie Montmartre où Gainsbourg dirige les changements de pose des modèles de ses scansions: "Changez!".

La Schola Cantorum où ils vivront, avec ce placard duquel il entendra le jazz se faire, de Art Tatum à Dizzy Gillepsie, apprenant ainsi les règles secrètes de la composition.

Le couple Lulu et Lise se torchant avec les dessins érotiques de Dalì, ce qui a évidemment aiguisé le sens de la provocation de Gainsbourg qui en fera sa marque de fabrique.


Et puis la peinture. Et c'est là que ma mâchoire s'est décrochée. Il se trouve que Lise était copine de Florence Loeb, ma tante et la fille de Pierre Loeb, un des plus grands marchands d'art moderne de l'époque. Accessoirement, mon grand père. Quand elle cherche une galerie pour Gainsbourg, c'est à Pierre Loeb qu'elle le présente. Pierre Loeb, le marchand de Zao Wou Ki, Balthus, Miro, Wilfredo Lam, Giacometti (qui fera de nombreux dessins de lui) et Picasso. Pierre Loeb, l'ami d' André Breton et d'Antonin Artaud est emballé par le jeune peintre d'à peine vingt ans et lui propose de revenir le voir avec quarante toiles. Il est prêt à l'exposer. Mon cher grand père est "gainsbourien" avant moi. Avant tout le monde! Sauf que Lulu (c'est comme ça qu'il s'appelle avant de choisir comme pseudo Serge Gainsbourg), comme on sait, laisse tomber la peinture au profit de la chanson.


J'ai déjà raconté qu'au tout début des années 80 je m'étais retrouvée styliste photo pour son "Bambou et les poupées". ( ). Quand j'avais vu le livre terminé, ça ne m'avait évidemment pas échappé qu'il y avait du Hans Bellmer* là dedans.

Stupéfaite, je découvre dans le livre de Lise Lévitsky ce qui a inspiré ce livre de photos sur lequel j'ai travaillé.

L'inceste photographique qu'elle a subi par son père, la shootant avec une poupée de sa taille dans des vêtements identiques, lui faisant prendre la pose inlassablement.

Lise dessinée par Bellmer.

Lise triant des photos pornographiques pour décrocher un de ses premiers boulots, avec parmi ces photos, des photos pornos d'elle, prises par son père.

Gainsbourg shootant Bambou et ses poupées dans un lit d'enfant, établissant un lien connu de Lise et de lui seuls, avec le viol dont celle ci a été l'objet.

Tout se tient. Les pièces du puzzle s'imbriquent parfaitement.


En fermant le livre, je me souviens soudain de lui, assis sur le côté gauche de son petit canapé rue de Verneuil me demandant si j'ai un lien de parenté avec Pierre Loeb! Lui qui a failli être exposé par le grand Pierre Loeb, lui pour qui la peinture reste sa grande blessure et son éternel regret, ça a du le faire sourire d'envoyer sa petite fille Caroline chercher des poupées gonflables rue Saint Denis pour transformer en oeuvre d'art l'inceste de sa première femme, Lise, en faisant poser sa dernière femme, Bambou (la petite Caroline, comme on l'appelait à l'époque où nous nous croisions dans les nuits parisiennes du Palace..)


A la même époque, Michael Zilkha lit mes premiers textes de chansons, les trouve "gainsbouriens" et décide de produire ce premier album… Qui s'appellera "Pirannana"! De "L'hippopodame" à "Piranana" il n'y a qu'un pas…. (Inutile de dire que je ne connaissais pas "L'hippopodame" à cette époque!)

"Bambou et les poupées" sort en 81. Mon premier album en 83.

Presque 30 ans plus tard, je découvre, fascinée, les liens subtils qui nous reliaient, le beau Serge et moi.


Soudain, pour illustrer ce texte, je cherche la photocopie* de la page du petit carnet Hermés sur lequel Gainsbourg avait noté mon nom et mon numéro de téléphone de l'époque où j'habitais rue Saint Jacques, à quelques numéros de la Schola Cantorum. Je regarde la date: le 28 avril. On est le 28 avril aujourd'hui.

Oui, la vie est un puzzle. On a parfois le sentiment qu'il manque des pièces, des liens. Un sens. Et la pièce arrive, comme par miracle. Et le sens s'impose.


*que Laurent Balandras a faite lorsqu'il a eu accès aux archives de Gainsbourg pour établir les "Manuscrits de Gaisnbourg" publiés chez Textuel

*un artiste surréaliste majeur dont l'oeuvre tourne essentiellement autour de poupées érotiques démantibulées


4 commentaires:

  1. La filiation se peut demeurer, par-delà les liens du sang…
    Merci pour ce très intéressant article Caroline.


    Frédéric

    http://www.art-et-litterature.com/

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  2. Votre récit est vraiment fascinant, Chère Caroline.Le destin, maître de nos vies et de ses méandres insoupçonnables, qui souvent mystérieusement gèrent à notre insu notre destinée, nous réserve parfois des surprises insoupçonnées, si l'on sait les décrypter. Alors jaillit en nous toute une partie de notre vie oubliée, enfouie que l'on croit à jamais disloquée. Et puis, miracle comme vous le dites, les pièces du puzzle se mettent en place et toute une imagerie de souvenirs nous assaille et nous rappelle de merveilleux ou mauvais moments.
    Merci pour votre merveilleux texte qui ma encore appris et fait découvrir beaucoup sur vous, Serge et Lise.

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  3. Merci pour ce très sympathique blog caroline.
    je suis tout ému à vous lire!
    et quel grand papa!!!
    wow!

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  4. La vie est un puzzle c'est plus que certain. J'aime beaucoup ta conclusion Caroline "et la pièce arrive un jour comme par miracle.."
    Tout se fond un jour, se confond alors que passe le temps qui nous apporte enfin une réponse cohérente face à son oeuvre de vie suréaliste..
    Amitiés et merci pour la jolie interview
    Manon du site www.tetedechou.com

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