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samedi 10 décembre 2011

YOU T'ENTUBE



"C'est combien l'acte gratuit? Si j'comprends bien, c'est hors de prix" chantait Bashung dans les mots quelque peu lacaniens de Serge Gainsbourg. Le raccourci génial a le mérite d'aller droit au but, et si dans la chanson, il était vraisemblablement question d'amour, cette vérité vaut pour nous autres pauvres artistes de ce début de XXIème siècle qui ne s'annonce pas vraiment être sous le signe des Lumières. En effet, par un glissement progressif mais certain les plaisirs, virtuels ou pas, sont devenus gratuits, que ça soit sur Internet ou dans la fameuse vraie vie qui fait encore de la concurrence à second life. Partout, des concerts, des journaux, des spectacles… gratuits! Partout des bons plans, des invitations, des promos. Il fut un temps préhistorique où c'était Mammouth qui écrasait les prix. Aujourd'hui, les grandes surfaces n'en ont pas la primeur et la gratuité généralisée se double, d'un drôle sentiment: que c'est normal. Pire, que c'est un droit. Payer, c'est has been, ringard, fini. Ça ne se fait plus du tout, darling.

Il y a quelque temps, un journaliste avait même recensé tous les moyens de passer une journée sans mettre la main au portefeuille, en allant chez un coiffeur comme cobaye, au resto à l'oeil, chez le dentiste gratos, au théâtre pour pas un rond etc… On ne sait pas s'il s'est fait sucer à titre gracieux... Quoi qu'il en soit, le pékin moyen qui a envie d'aller au théâtre peut désormais regarder sur des sites, qui eux engrangent des fortunes grâce à la publicité, y trouver les spectacles qui manquent de monde au balcon voire à l'orchestre, et s'y rendre sans débourser le moindre euro. C'est un public qui est là pour remplir un peu la salle, donner l'illusion que "ça marche", le fameux "fond de salle" comme on dit d'un fond de tarte sur lequel on poserait les fruits, en l'occurrence le spectateur bonne poire qui a payé sa place. Un public qui est également censé lancer le fameux "bouche à oreille" alors que le théâtre, asphyxié, aurait plutôt besoin d'un bon bouche à bouche pour sortir du coma. Le drame, c'est que ce public qui ne sort pas un sou de sa poche, va voir une chose ou une autre, indifféremment, et que son niveau d'exigence est à la mesure de son investissement: nul. Et s'il n'a aucune pudeur à regarder des artistes se défoncer sur scène pour l'émouvoir ou l'amuser, alors qu'ils peinent à boucler leurs fins de mois et sont depuis des années au régime dissocié composé exclusivement de pâtes, ce même public ira sans états d'âme fêter ça au bistro du coin, où ce qu'il aura économisé en places de théâtre lui permettra de prendre entrée ET dessert.
Vous l'aurez compris, la gratuité, je suis contre. Je dirais même mieux, je trouve ça dangereux. Car cela pose un double problème. Pour le public d'abord. Puis pour les artistes. On nous fait croire, ô démagogie suprême, qu'il faut que les musées ouvrent leurs portes à tous pour rien. Que cet accès libre et gratuit à la culture va attirer des foules avides de beauté et de sens. Mais ça n'existe pas dans la vie, les choses qui coutent walou, à part la nature, enfin ce qu'il en reste, et l'amour, parfois. Tout a un prix. Il est comment le regard de celui auquel on offre l'art gratis, sur un plateau d'argent? Quelle valeur peut-il accorder à des oeuvres qui lui sont livrées pour rien, celui qui entre au frais de la princesse, en l'occurrence l'état? Comment peut-il respecter ce qu'il regarde ou ce qu'il entend celui qui ne sort pas d'oseille de sa poche? L'art ne vaudrait donc rien?! A regarder les expos d'art contemporain, un oxymoron, effectivement ça ne vaut plus tripette…. Je reviens de Venise où j'ai vu la ville-beauté polluée par des installations plus absconnes les unes que les autres, sous prétexte de propos subversifs sur la violence du monde moderne. Pathétique! S'il suffisait d'être iconoclaste pour être intéressant, ça se saurait…. Mais je m'égare.

Et les artistes dans ce système, comment ils font? Leurs factures, leur loyer, leur quotidien, leur vie, ils la règlent avec quoi? Etre artiste, ça n'est pas un passe temps, que je sache. Si c'est vrai qu'il y a beaucoup trop de gens qui croient qu'ils ont des choses à raconter et le talent pour le faire, les artistes pour lequel c'est vital de créer, ils font comment pour survivre dans un monde où leur production n'est même plus un produit?
Les nouveaux systèmes de communication, you tube, dailymotion, deezer et tous les sites de streaming nous permettent désormais d'avoir accès en un clic à tout, que ça soit de la musique, des films, des séries télé… On a le monde à portée de main sur notre clavier. Bientôt les livres aussi, à ce qu'il paraît! Quel progrès! Sauf que parti comme c'est, nous, les chanteurs, compositeurs, auteurs, réalisateurs, photographes, acteurs, nous n'aurons bientôt plus que nos yeux pour pleurer sur nos factures en souffrance. "Misère, misère…" chantait Coluche.

Mais que se passe-t-il? Je me suis laissé dire que You Tube avait été acculé à débourser d'avantage pour rétribuer les artistes? Sonnez hautbois, résonnez musette! Et combien ils raquent le visionnage au producteur, maintenant? 0,0007401186€? Net?! Alors là, franchement j'hésite… Foie gras? Saumon? Caviar? Si ça continue comme ça, on va encore fêter Noël chez Leader Price. Ou chez ED. On a le choix…. J'hésite….

6 commentaires:

  1. "artiste":nom commun, qui s'écrit donc bien en minuscule ...
    Il faut arrêter de penser comme un ARTISTE car ceux-là sont rares ...(comme si les artistes ne regardaient pas youtube et ne téléchargaient pas ...TOUT LE MONDE TELECHARGE et utilise INTERNET en fonction de ses capacités cérébrales...)
    C'est le progrès ma pauv' Lucette et rien ne pourra empêcher son avancée, comme le disait l'agent Smith "C'est INELUCTABLE!"

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  2. heureusement, il y a des sociétés civiles, comme l'adami qui planchent sur la question et réfléchissent à comment défendre les droits des artistes! il faut se battre vin dieu de vin dieu ;-)
    ce n'est parce que tout le monde le fait qu'il ne faut pas aménager le système; bien au contraire!

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  3. Très chouette blog, merci Caroline.

    Je me permets cependant une réaction. Il ne faut pas croire que ceux qui téléchargent ne sont pas prêts à acheter aussi : télécharger sur internet permet surtout de faire son choix, de mettre ses sous dans ce qui nous plaît vraiment. Et je ne parle pas en l'air, c'est ce que montrent une pléthore d'études indépendantes (gouvernementales, universitaires...), de plusieurs pays différents : http://www.laquadrature.net/wiki/Etudes_sur_le_partage_de_fichiers

    Ceux qui téléchargent le plus sont ceux qui achètent le plus, mais ceci, les média n'en parlent jamais... Peut-être sont-ils trop soumis aux majors de la culture, qui voient s'amenuiser leur rôle, les artistes pouvant dorénavant se diffuser directement sans intermédiaire?

    Il y a peu, Nine Inch Nails a réalisé la meilleure vente sur Amazon us avec un album en téléchargement libre et gratuit sur leur site. Ils ont poussé le concept jusqu'à le mettre sous licence creative commons pour en plus autoriser les fans à diffuser gratuitement eux-même, en toute légalité. Leur analyse est très pertinente : http://www.framablog.org/index.php/post/2009/03/11/musique-trent-reznor-exemple-de-nouveau-modele-economique

    Internet oblige le monde de l'art à inventer un nouveau système économique, mais il représente surtout un outil de promo formidable, il ne faut pas avoir peur de l'utiliser ^_^
    Peut-être un jour verrons-nous une chanson de Caroline Loeb sous licence Art-Libre?

    Amicalement, Aquilegia

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  4. Eh bien je prends le contre-pied: dans ma bonne ville de Lyon, jadis, le Musée des Beaux-Arts (2e collection de France, parait-il?) était gratuit. Oui, parfaitement, gratuit. Et poussiéreux, délicieusement. ça n'empêchait pas d'y admirer Véronèse, Tintoret et autres beautés...J'y allais le plus souvent possible, et n'y croisais pas grand-monde. Des gens silencieux, amateurs, amoureux.
    Je pouvais y emmener mes élèves sans devoir passer par une animatrice estampillée, librement.
    Aujourd'hui, depuis pas mal d'années, il est payant, il a été retapé dans un genre propre mais sans âme, il y a des expos où se presse le populo bobo en masse. Il paie, il est content, il a "fait" telle expo. il a fait la queue, merveille. Il ne déambule pas paresseusement devant les oeuvres, en silence, non, il pérore, il pérore en tournant le dos aux oeuvres, souvent (c'est assez marrant à observer!).En sortant, il peut acheter un badge ou un magnet. Et manger un cupcake à la cafétéria.Payer, payer, donc être sûr que c'était bien. Eh oui, gratuité n'équivaut pas toujours à indifférence blasée, ni paiement à admiration éclairée.
    Moi? Je n'y vais plus guère, chez mon bel endormi. Gratuit et désert, j'avais l'impression qu'il était à moi, comme les rues de la ville, les quais, les parcs, j'y promenais mes rêveries.
    A présent je m'y sens troupeau boboïsé.
    ça m'emmerde.
    Et je lis des classiques (gratuits) sur un ereader, parce que je n'ai pas besoin de payer une Pléiade plein cuir à exposer aux amis, genre "wouh ce que j'ai bon goût".
    Bref, les arguments contre la gratuité seraient plus crédibles s'il se réduisaient à :"help j'ai besoin de pognon pour continuer à produire de l'art, le présenter proprement etc"...Le reste est du faux-cuïsme.
    Ah, dernier mot: oui l'art ne vaut RIEN. Idéalement, il ne devrait pas valoir du fric. On devrait se foutre de savoir que tel Van Gogh ou Jeff Koons vaut tant de millions, qu'il a attiré tant de visiteurs.Si j'entends gratuitement tel lied de Schubert je vous assure que je suis aussi transportée que si j'ai payé 50 euros ma place. Voire plus, parce que le prix me parasite. Et là aussi, j'ai souvent vu du public plus attentif dans un concert gratuit(conservatoire, par ex) qu'aux concerts d'abonnés payants, où joue un côté snob, de bon ton social.

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  5. @ Caroline :Oxymore (pas oxymoron)
    @ Sabine : Vingt Dieux !

    Lucas.

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  6. @Lucas: oxymore ou oxymoron, cher ami; l'un et l'autre se disent!!

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