Les victimes ont honte?
Moi aussi, aujourd'hui, j'ai honte!
Après une semaine passée à regarder des femmes humoristes sur la scène du merveilleux théâtre du Ranelagh dont la directrice Catherine Develay épaulée par Arts & Spectacles ne cesse de proposer une programmation éclectique et curieuse, je me pose la question du rire au féminin.
C'est quoi? Y a-t-il un humour spécifique aux femmes? La question se posait déjà sur les auteures, réalisatrices, peintres et autres musiciennes. Personnellement, le fait de sexuer une création pour la définir ou la cataloguer m'a toujours semblé curieux, et j'ai tendance à penser qu'il y a surtout des bons et des mauvais artistes. Quid de l'art pédé, lesbien, noir, arabe ou asiatique? Le genre d'un artiste, et à fortiori d'une artiste n'augure en rien de son talent. En matière artistique, il n'y a que des exceptions. C'est la règle.
Or, à voir défiler toutes ces humoristes femmes, quelques réflexions s'imposent à moi.
D'abord, la violence de l'exercice. Pour quelques uns qui "cartonnent", combien qui rament devant des salles clairsemées, dans lesquelles les rires sont rares…. On ne dira jamais assez la solitude de celui ou celle qui se présente sur scène devant le public, avec uniquement sa gueule, son corps, et ses textes pour tout bagage. Ce qui m'a toujours fascinée dans les one wo(man) show, c'est que les artistes arrivent sur le plateau avec leur bite et leur couteau autant dire, pour nous autres femmes, pas grand chose (mieux vaut avoir des textes au rasoir, sous peine de raser le spectateur, un poil blasé de tous ces nouveaux comiques postulants), pour nous embarquer dans leur univers. Evidemment plus celui-ci est impitoyable, plus c'est fort, et je ne parle pas de la provoc', la nouvelle tarte à la crème, dont les limites toujours repoussées la rendent aujourd'hui assez vaine. C'est de la noirceur, du désespoir que surgissent les plus beaux textes, et les meilleurs artistes. Zouc, la plus grande, inégalée, nous faisait hurler de rire avec des textes au bord de la crise de nerfs.
Pendant ces six jours de shows, j'ai noté qu'il y avait de sacrés différences entre toutes ces femmes humoristes.
Il y a celles qui marchent dans les pas des mecs, et pas les plus glorieux, avec des blagues sexistes, se moquant des politiciennes (pfffff encore Roselyne Bachelot et son poids? Vous n'en avez pas marre d'enfoncer des portes ouvertes?), ou se décrivant comme des objets sexuels, forcément sexuels, alimentant les discours machistes, comme si les hommes ne s'en chargeaient pas déjà bien assez. (Heureusement, nous avons échappé à un genre très répandu, l'humoriste qui raconte à quel point elle n'arrive pas à "chopper", celle qui se pose en victime de la soi disant libération sexuelle, véhiculant l'idée bien répandue que la liberté se paye cash… en malheur.)
Heureusement il y avait aussi et surtout la délicieuse et désopilante Nadia Roz, lauréate du prix Biba, partenaire de cette première édition, qui nous a fait marrer avec des sketchs bourrés d'énergie et de générosité doublés d'une vraie réflexion sur le rapport hommes-femmes. Ou Emilie Deletrez, barrée, excessive, à la fois physique et poétique. Juste énorme…
Et puis Emilie Chertier, totalement unique avec sa tronche invraisemblable, espèce de Gaspard Proust avec des nichons, qui nous renvoie à la vraie question: c'est quoi l'humour? Elle nous a arraché des rires nerveux en lisant du Nietzsche ou en arpentant le plateau en silence ("on entend bien le bruit des pas, hein?") me rappelant Zouc qui commençait un de ses spectacles en se campant devant le public, et après un long silence nous balançait "qu'est ce que vous voulez?"
C'est vrai ça. Qu'est-ce qu'on veut? Rire oui. Mais pas que. Réfléchir aussi, évoluer. Pas en prendre encore une couche de misogynie et de clichés débiles.
Allez les gonzesses! Sortez des sentiers battus et rebattus, et comme Valérie Lemercier ou Julie Ferrier proposez nous des personnages fous, cruels. Osez, les filles! Osons!
La bonne nouvelle, c'est qu'au moment où j'écris ces lignes, une jeune femme qui a tué son bourreau (celui-ci étant accessoirement son mari) vient d'être acquittée. Sur les images des journaux télévisés, on découvre une Alexandra Lange (c'est son nom) heureuse de renaitre après onze ans de cauchemar avec un type alcoolique et violent qui la frappait, la violait, menaçait aussi ses enfants, et de mois derrière les barreaux en attente de son procès. Une jeune femme joyeuse, soulagée, libérée. Enfin.
Et on est heureuses, nous aussi, de pouvoir rire avec elle.
Cette année Whitney Huston ne fêtera pas la journée de la femme. Elle ne peut pas, elle est morte.
Et sa mort me touche. Sans doute parce que la première fois que j’ai entendu cette voix exceptionnelle, j’étais au Diable des Lombards avec l’un de ceux avec lequel j’ai « fait » « C’est la ouate ». Je n’avais aucune idée à l’époque de la petite révolution qu’allait opérer cette chanson sur moi et sur les autres. Je ne savais rien du show biz et des effets dévastateurs du succès sur les personnalités fragiles. Pour moi, comme pour ceux qui ne l’ont jamais vécu, faire un tube, devenir une pop star était le fantasme absolu.
La mort précoce de Whitney Houston me renvoie comme une gifle toutes les histoires que j’ai entendues sur ces chanteuses disparues trop tôt, ravagées soit par l’alcool, soit par la drogue, soit par des histoires d’amour malheureuses. Souvent par les trois. Amy Winehouse, Janis Joplin, Billy Holliday, Edith Piaf, Dalida, Judy Garland…. Les plus grandes.
Le point commun entre toutes ces chanteuses ? Evidemment leurs voix qu’elles nous livraient sans pudeur, qu’elles offraient au monde, nous ouvrant en grand l’accès à ce qu’elles avaient de plus intime, car la voix est bien ce qui est le plus intime chez un être humain, et ces voix-là étaient si chargées de sexualité que c’en était troublant. Elles témoignaient de femmes branchées direct sur leurs émotions, poreuses donc fragiles. On ne peut pas livrer « ça » et être une dure à cuire. Madonna qui me fascine, la tough cookie, la guerrière, l’invincible, a tout sauf une voix émouvante. Elle, elle ne risque ni de se faire maquereauter par son manager, ni de se noyer abrutie de cachetons dans sa baignoire…
Vous me direz, tout le monde meurt, ça n’est pas spécifique aux chanteuses. Certes. En revanche, ce qui leur est spécifique, c’est cette descente aux enfers, alcool, drogues et autres pertes de dignité dont le monde se goberge aujourd’hui avec plus ou moins de délectation et d’obscénité. Pour Whitney Houston, aux Grammys, ils ont dit qu’au moins cette année, elle n’assisterait pas bourrée à la cérémonie, faisant honte à toute la profession, et que grâce à son décès, on pourrait enfin parler d’elle… en bien. Le cynisme de ce métier est sans limites. Et les fameux « démons » des chanteuses ont bon dos.
Dans un article du Figaro, je lis le récit de Jackie Lombard qui a produit ses concerts français et y apprend que quand elle venait seule à Paris elle était « géniale », mais que dès que son Bobby Brown de mec déboulait, elle changeait du tout au tout, et ne sortait plus de sa loge que pour chanter. Et je repense à toutes les histoires qui circulent dans le métier sur les maris des chanteuses et sur les drames qui se jouent en coulisses. Les maris, les amants, les mecs-macs, ceux qui les ont découvertes, ou produites, ou rencontrées au faîte de leur gloire. Ceux qui ont tout lâché pour « s’occuper » d’elles. Ceux à qui elles doivent tout, qui les managent, leur disent comment s’habiller, quoi chanter, quoi manger, comment répondre aux interviews. Ceux qui les aiment mieux que tous les autres, ces autres qui ne voient que des $ quand ils les regardent dans les yeux. Ceux qui parfois, lorsqu’elles quittent les sunlights les humilient, les insultent, leur disent qu’elles ne sont rien, des nulles, des nazes, qu’avec une bonne chanson n’importe qui devient une star, que leur succès n’a rien à voir avec leur talent… « Tais-toi et chante ! » Les fameux hommes de l’ombre qui ne rêvent que d’une chose, être à la place de « leur » star, dans la lumière, et fuck, être famous eux aussi !
Elles, amoureuses, ou juste terrorisées, elles encaissent. Jusqu’à ce que, comme les femmes battues ou violées, elles retournent la violence contre elles même, n’osant se libérer de leur tyran qui, évidemment, leur assure qu’il les aime, lui.
Whitney Huston n’est plus là pour nous enchanter.
Je l’ai échappée belle : moi, je peux fêter la journée de la femme.
Des corps qui se jettent contre les murs, des corps qui se cognent, des corps qui se déplient comme des origamis, des corps qui se cherchent pour s'aimer, des corps qui souffrent, des corps qui tombent, des corps qu'on manipule comme des objets, des corps qui exultent dans l'eau. Des corps qui ne sont ni lisses ni jeunes. Des vrais corps. Des corps qui disent la violence et la beauté. Des femmes qui sont barbouillées de rouge à lèvres. Des hommes qui se confrontent à la terre, à la pierre. Des corps habités.
Dans le magnifique film de Wenders qui est sorti en DVd il y a peu, les danseurs de Pina Bausch sont tour à tour dans les champs, devant une usine, dans une maison de verre. Les décors ultra modernes, quasi abstraits renforcent la beauté des performances.
Pina Bausch, chorégraphe existentielle met en scène la solitude, le désespoir et l'exaltation comme nulle autre. Les visages muets de Ses danseurs dont on entend la voix en off sont graves, orphelins du regard perçant et exigent de leur Pina.
Voir "Pina" est une expérience unique. On entre dans un monde où la beauté est profonde, intérieure, quasi mystique.
Ça fait du bien. Ça fait des vacances.
Alors qu'un journaliste, un vrai, est mort en Syrie, un homme passionné, courageux, lumineux, admiré par ses collègues, ici, dans notre douce France, des incultes analphabètes continuent leur travail de sape et de désinformation. C'est pas grand chose, me direz-vous: ça n'est qu'un magazine de rien du tout sur une petite chaîne qui soi-disant monte… L'enjeu n'est pas très important: ça parle d'artistes qui ont fait des tubes dans les années 80. Tout le monde s'en fout. Place aux jeunes! Et ils sont encore vivants? Oui. Ils sont encore vivants et en ce qui me concerne, ils ne sont pas contents.
Je vous raconte:
Il y a quelques semaines, on me sollicite pour chanter mon tube dans une émission de variété spéciale 80. Mouais… Je ne suis pas chaude… Je suis un peu lasse d'être systématiquement ramenée, donc réduite à cette chanson dont je reste malgré tout fière. Non, rien de rien, non je ne regrette rien… Ça a été une aventure extraordinaire cette "ouate". Mais bon, on ne va pas y passer le réveillon non plus. Il s'en est passé des choses pour moi depuis! Des mises en scène, un Molière, des émissions de radio (sur Nova, entre autres). Je ne vais pas vous faire défiler ma vie mon oeuvre; si ça vous interresse, Wikipédia est là pour ça. Donc, j'accepte.
Suite à cet enregistrement, 2ème coup de fil pour me demander si ça me branche qu'on tourne un sujet sur moi, sur ce que je fais en ce moment etc, dans 100% Mag… re Mouais… M6, je me méfie; ils m'ont déjà piégée deux fois avec des reportages navrants. J'explique ça à Stephanie Natalizi, que je crois être la redac' chef. Elle est super, elle est adorable, elle comprend. Elle a lu mon blog, et elle aime les gens cash comme moi; évidemment que non, ça ne va pas être trash ou misérabiliste, ils sont là pour mettre en valeur les artistes qui passent sur leur chaîne etc… Qu'elle me dit. Un concert de flutiau. Elle doit être cousine avec les Calchakis, les joueurs de flute de pan.
Donc, ok, je dis oui. C'est vrai, il faut faire confiance aux gens dans la vie… Une certaine Sandrine Leleu*, soi disant journaliste, me suit toute la journée avec sa caméra, je lui ouvre la porte de chez moi, on parle de plein de choses, de ce que je fais, de ma passion du spectacle et de l'écriture… J'avoue, elle n'a pas l'air de tout comprendre, mais s'il fallait faire Saint Cyr pour faire des reportages à la télé, ça se saurait! Elle veut que je lui lise un passage de "Has been", mon bouquin au titre provoc' sorti chez Flammarion. Je ne suis pas emballée par l'idée, mais comme elle m'affirme que ça va être un tout petit moment au milieu de toutes les infos passionnantes sur mon actualité (car elle est foisonnante ce début janvier: un long métrage, une émission sur Télé Mélody, des spectacles, le mien "Mistinguett, Madonna et Moi" et "les Bons Becs " (une de mes mises en scène) qui tournent dans toute la France, sans parler des nombreux projets), bonne fille, j'obtempère. Les conversations avec la formidable rédac' chef me garantissent un traitement respectueux et honnête; on est en phase. Elle me demande de lui envoyer les visuels de mes spectacles (Lio, Magre, la Madeleine Proust….), ça va être formidable ce petit reportage… J'ai hâte. re Calchakis
Ce soir, je regarde le sujet… Et je vais gerber. 100% Naze. Non seulement de mes nombreuses actualités, il ne reste rien, non seulement le passage sur le livre prend une place importante avec des commentaires du genre "Has been" un titre qui a le mérite d'être clair (c'est de l'humour, connasse! Tu crois qui si j'étais has been je serais assez débile pour le dire, pov' naze?? T'as été regarder sur internet ce que je fais ou tu sais pas lire?) mais en plus les commentaires sont condescendants et mensongers. Mon joli appartement est réduit à un 2 pièces (j'en ai 3, en plus elle sait pas compter...) et tout à l'avenant. C'est insultant et misérabiliste. Exactement ce que je redoutais. Cioran disait "la chose la plus secrètement redoutée finit toujours par arriver". Je confirme.
Ivre de rage, j'appelle illico la grande redac' chef, et m'entends jouer encore un petit air de pipeau! Elle ne voit pas où est le problème, la grand reporter, et m'explique que les visuels de mon travail faisaient "verrues" dans le sujet. (sic)
Naïve (je sais, ça me perdra!) je croyais que le M de M6, c'était pour Musique. En fait, c'est pour Merde. Merde 6.
Et pendant ce temps là, y'en a qui se tuent pour défendre des idéaux avec dignité. Mais dignité, rigueur et honnêteté, si ça se trouve, ils ne savent même pas ce que c'est! Ils n'ont que quelques mots à leur vocabulaire: vulgarité, cynisme, et surtout bêtise. Crasse.
Merde 6, la petite chaîne qui vous descend. Ça y'est, ça m'reprend! J'ai encore les dents du fond qui baignent…..
Ne vous inquiétez pas ça va aller… C'est rien. C'est seulement ma vie sur laquelle ils chient.
Ici, ce sont les artistes qui crèvent sous les balles des snipers médiatiques!
*( qui suit à la lettre le brief de la prod, Studio 89, du groupe M6)