Guy Bedos, feuilletant son "Lui" avait donc raison? Souvenez vous de son: "Salooooooopes! Ah la salooooooope! "
Toutes des salopes?
Que les chanteuses aiment la provoc, c'est pas nouveau. Que celle-ci soit sexuelle, par dessus le marché, OK. Je suis fan de Madonna, qui, avec un sens de la publicité et un talent toujours inégalé, a poussé pas mal de frontières dans le domaine, ses tenues ultra sex, ses seins phalliques en cône à la JPG, et ses patins à Britney Spears ou autres danseuses ayant, en leur temps, choqué le péquin moyen et beaucoup fait parler d'elle.
Mais là, on arrive un peu au bout du système, non?
C'est plus provocantes, qu'elles sont, nos chanteuses! C'est carrément hardeuses, qu'elles font! Et aujourd'hui, le roulage de patin lesbien est devenu le parcours obligatoire de la fille qui veut montrer qu'elle est achetement provocante et trop moderne! Et surtout qu'elle veut vendre des disques.
Lady Gaga, Rihanna, Shakira, Britney Spears et consoeurs poussent le bouchon chaque fois plus loin. Et v'la t y pas notre Christina Aguilera, qu'était si mignonne en petite jupe plissée qui s'y met! SM bling bling à tous les étages.
A quatre pattes, avec des fouets, dans des scènes bondage, en string, à poil, à plumes…. Mimant la pipe, la baise, dans tous les sens… Roulant des pelles aux filles, simulant la sodomie... Madonna et Mylène Farmer précurseuses il y a un bout de temps, le faisaient avec un regard. Pour Madonna, souvent celui de Mondino, chic, moderne, raffiné et sensible. Et ultra référentiel. Les photographes hollywoodiens des années 30 et 40, Molinier, Guy Bourdin, Jean Harlow, Marlene Dietrich, Marilyn, Liliana Cavani et son "Night Porter"…
Pour notre libertine Mylène, un Boutonnat, plus sadien mais tout aussi élégant et référentiel. Toujours, il y avait un point de vue, une intelligence. Un discours. Une pensée derrière le cul.
Là, non.
N'est ni divin, ni marquis, qui veut.
Elles sont à quatre pattes, elles sont vulgaires, elles remuent du croupion et puis c'est tout!
Des putes bling bling, c'est ça qu'il faut être pour vendre de la rondelle?
C'est ça, les femmes modernes, libérées? C'est de ça dont on a envie pour nos filles, nos soeurs? Pour nous mêmes? Des images d'objets sexuels offerts, cheaps? Des stars de porno débiles comme référence?
Ben non.
D'autant que les références au sado masochisme sont pléthores. Dans le clip de Rihanna avec la sublime Casta en guest gouine, ça s'attache et ça lorgne du côté du bondage et de la partouze en robe couture et dessous cuir.
Autant la talentueuse Maria Beatty s'attache (?!) à filmer un détail vestimentaire, un grain de peau, la tension entre deux femmes qui se désirent et s'aiment, autant dans ces clips sur-lookés ça sonne creux, et la débauche de moyens et de mise en scène masque mal ce que tout ça a de factice. On assiste impuissantes (?!) à des projets marketing qui, tout en surfant sur la surenchère porno, n'ont d'autre projet que de créer le fameux "buzz" tant recherché.
Rihanna, toujours elle, a aussi commis un duo, très réussi d'ailleurs avec Eminem, qui est tout sauf un enfant de choeur. On connait l'histoire de Rihanna, les violences conjugales qu'elle a subies. Les images qui nous "vendent" la chanson sont embarrassantes. Une maison brûle. OK. On finit par avoir l'habitude. Avec Casta aussi, ça cramait derrière. Une métaphore du feu qu'elle a au cul? Pourquoi pas. Si ça les amuse après tout, c'est leur droit le plus strict. Mais quand on passe au couple qui s'embrasse, s'aime, se rejette, avec une violence évidente, c'est un peu plus gênant. Dans la chanson Rihanna dit en substance "J'aime quand tu mens, j'aime comme ça fait mal". Hum. C'est pas très malin, darling. La prochaine fois que ton mec t'en collera une et qu'il te démolira ta jolie gueule, tu auras beau jeu d'aller te plaindre aux flics! Faudra pas que tu t'étonnes s'ils te reçoivent avec des sarcasmes, et t'estimer heureuse s'ils ne te sodomisent pas sur un coin de bureau pour t'apprendre à moins faire ta vicieuse. Pas super, cette glamourisation de la femme qui se fait cogner et qui aime ça. D'autant que si Maria Beatty filme avec désir ses filles qui se lient d'autre chose que d'amitié, les films de bondage ou de fétichisme ne sont pas toujours aussi féministes. Il y a quelques semaines, après une soirée sixties, très "libération sexuelle", Arte nous a proposé "Bondage", film japonais de 1977 dans lequel un homme se livre à des scènes d'une violence inouïe sur ses femmes consentantes, nous dit en toutes lettres le dossier de presse. Consentantes? C'est lui qui le dit. Le film est d'une violence psychologique pénible. On y voit une pauvre femme amenée progressivement à accepter d'être torturée par son homme, et c'est de la peur qu'on lit dans ses yeux. Ni du désir, et encore moins du plaisir. C'est insoutenable. Ça ne fait pas envie. En tout cas, pas à moi. Et s'il y a de la jouissance, elle n'a pas l'air bien réciproque. On est loin de "L'empire des sens" chef d'oeuvre nippon également, autrement plus profond, plus étrange, plus érotique, et aussi peu champêtre.
Regarder un film érotique ou porno, c'est un choix. Chacun son truc (même s'il y a beaucoup à dire sur cette industrie macho et souvent avilissante pour les femmes). Mais en prendre les codes les plus vulgaires, les plus racoleurs et en faire des images de grande consommation, ça pose quelques problèmes.
Ça fait un peu "ET pute, ET soumise", non?
Je repense avec émotion au baiser le plus long de l'histoire du cinéma (à l'époque, 1946) dans "Notorious" d'Alfred Hitchcock. ( et dans Hitchcock, évidemment, il y a Hitch )On y voyait Ingrid Bergman et Cary Grant s'embrasser en plan séquence et en gros plan pendant dix minutes, entrecoupant leurs baisers d'une conversation anodine sur le menu du diner, afin de détourner les lois de censure de l'ignoble code Hays.
Et oui, c'était érotique.