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jeudi 29 juillet 2010

SHIRLEY, le retour




Entre Shirley et moi, c'est une longue histoire. Je précise tout de go qu'il ne s'agit pas de la Shirley des désopilants "Shirley et Dino". Je vous cause ici de Shirley Goldfarb dont les carnets édités par son mari Gregory Masurovsky, disparu il y a tout juste un an, dans la collection Quai Voltaire sous le titre "Carnets Montparnasse" me sont tombés dans les mains il y a une quinzaine d'années. Ça a été le coup de foudre. Un véritable choc. Le texte, dur, précis, obsessionnel, cruel, drôle, pathétique aussi me faisait pénétrer dans les pensées de cette femme que j'avais côtoyé pendant des années à la fin des années 70. Au club 7, au Palace, au Flore, à la Coupole. Les endroits à la mode où je sortais tous les soirs. J'avais seize ans. Elle en avait 45. C'étaient ses dix dernières années. Pour moi, les dix premières de ma vie parisienne qui allait être mouvementée. Bette Davis disait dans "All about Eve" "Fasten your seat belts, it's going to be a bumby evening". J'en ai vécu des "bumpy evenings"… Sans ceinture de sécurité... Mais c'est une autre histoire…


Revenons à Shirley. Je la côtoyais aussi à la galerie de mon père puisque Gregory, son mari qui était artiste aussi, et non des moindres, avait pour marchand Albert Loeb, mon père. Flanquée de Gregory et de sa chienne Sardi, perchée sur ses chaussures compensées, toujours habillée de noir, des grands cils dessinés autour des yeux, ses longs cheveux raides encadrant ce qui ressemblait à de la morgue, elle toisait le "Tout Paris" du haut de son mètre cinquante cinq. Elle m'impressionnait. Elle était toujours là. A toutes les fêtes. A tous les événements mondains. Je me souviens de la légère condescendance ou des railleries dont elle était l'objet. Et pour cause. Elle était artiste-peintre, et elle ne vendait pas, ou en tous cas, pas beaucoup. Péché suprême dans ces années 80 où l'argent coulait à flot, elle était fauchée. Navigant dans la jet set des années 70, échangeant des "bons mots" avec Andy Warhol, Karl Lagerfeld, Francis Bacon, David Hockney ou Loulou de la Falaise, elle transformait en dandysme la dureté de sa vie, se nourrissait aux cocktails et aux vernissages, s'auto-proclamant "pique assiette professionnelle".


Lorsque Gregory Masurovsky m'a confié le texte des "Carnets", le choc a été d'autant plus grand que je me souvenais de quelqu'un de mondain, parfois cinglant, souvent solitaire. Je n'imaginais pas ce que ce "maquillage de guerre" comme elle disait, cachait comme souffrance, comme espoirs déçus. Comme tendresse aussi.

"Les Carnets" m'est arrivé dans les mains quelques années après ce tube qui avait fait voler en éclat tellement de choses dans ma vie. Entre autres, ma place d'artiste. Je me suis retrouvée à chaque page, à chaque ligne de ce texte où il est question de solitude, d'illuminations devant la beauté de la nature, de visions d'artiste, mais aussi de sentiment d'échec, de la souffrance à ne pas être reconnu, et de la difficulté à trouver sa place dans le monde.


J'ai d'abord voulu le jouer, moi, ce texte. Puis, m'apercevant que ça serait compliqué de faire la passerelle entre mon tube, apparemment léger, et ce texte de toute évidence noir (elle raconte dans la deuxième moitié du texte le cancer qui va avoir raison d'elle avec une lucidité, un courage et un humour noir saisissants), j'ai finalement eu l'idée de le confier à Judith Magre, que je croisais régulièrement aux premières de Michel Hermon que j'ai souvent mis en scène. Evidemment, c'était LA bonne idée. Ce que j'ignorais, c'est qu'une des personnes les plus proches de Judith était Anny Taourel, productrice, et qu'elle aussi aurait un véritable coup de coeur pour ce texte. Ça a été un vrai travail à trois, dans une confiance et un respect assez exceptionnels. Judith extraordinaire, Anny très présente.

Pour Judith ça a été un moment très particulier de sa carrière. Il y a des rôles qui vous marquent à vie. On sait toutes les trois que "Shirley" restera un des très grands moments de la grande Magre! Un Molière a d'ailleurs couronné son interprétation magistrale.


Lors des dernières représentations au théâtre la Bruyère, une femme m'a approchée pour reprendre le texte en Belgique. Lucienne Troka. Ça m'a beaucoup intéressée de voir quel relief le texte prendrait avec un autre corps, une autre voix.

Avec Lucienne, on a fait un travail assez différent d'avec Judith. On s'est d'avantage rapproché de l'aspect physique de la vraie Shirley, et Lucienne y a mis toute son énergie, son talent et son désespoir. A tel point qu'à la première, à Liège, j'ai cru voir un fantôme.

Lucienne, "une Rocky femelle", comme se qualifiait elle même Shirley Goldfard, a souhaité reprendre ce travail pour quelques représentations.


C'est à nouveau un bonheur d'entendre ce texte qui me hante depuis plus de dix ans. En effet, peu de jours passent où je ne sois traversée par une de ses phrases.

J'aime Shirley. J'aime cette quête de l'essentiel, cette obstination à être soi même, envers et contre tous. J'aime cette lucidité d'écorchée.

Shirley disait "Mon Max Jacob du jour: "Aimer les mots. Aimer un mot, le répéter, s'en gargariser. Comme un peintre aime une ligne, une forme, une couleur."

Très important."

J'aime les mots. J'aime SES mots. Les revoilà. Crus. Poignants. Noirs, comme son maquillage et ses pulls YSL.


les 9 et 10 août au festival de théâtre de Spa (Belgique)

les lundis à partir du 13 septembre à 19h à l'Espace Saint Honoré 62 rue Saint Honoré 75001 Paris

métro Louvre Rivoli

réservations: 09 64 44 95 18 tarif: 9€ et 7€